En 1919, l'artiste Marcel Duch

En 1919, l'artiste Marcel Duchamp offrait au collectionneur américain Walter Arensberg une ampoule pharmaceutique facétieusement baptisée « Air de Paris ». Une métaphore visionnaire du déplacement du centre de gravité artistique de Paris à New York. Reste à savoir, à l'heure où le Grand Palais célèbre avec « La Force de l'art » la vitalité de la scène artistique française, si l'air de Paris, qui envoutait l'Italien Amedeo Modigliani ou le Russe Mikhail Larionov au début du XXe siècle, continue de galvaniser les artistes du monde entier ou s'il s'est bel et bien évaporé.« L'air favorable d'une capitale culturelle mondiale, ce sont des collectionneurs et des loyers modiques, des écoles d'art et des critiques, des politiques de création et de conservation, des galeries et des musées, bref un ensemble particulièrement dense et doté d'institutions reliées dont Paris a bénéficié très tôt et qui s'est affaibli en 1940 », écrit le sociologue Laurent Jeanpierre dans le catalogue de l'exposition « Airs de Paris » au Centre Pompidou en 2007.Passages expressComparés à Bruxelles ou à Berlin, les loyers parisiens sont exorbitants. Hormis la Cité internationale des arts ou le couvent des Récollets, le nombre de résidences se révèle extrêmement limité. Aussi, certains artistes, comme l'Albanais Anri Sala et les Polonais Whilem Sasnal et Piotr Uklanski, n'ont-ils effectué que des passages express. « Paris est toujours attractif, mais pour un temps court, analyse Christine Macel, conservateur au Centre Pompidou. Il peut y avoir une intention au départ de rester, mais il n'y a pas d'installation définitive à terme, sauf pour les artistes plus riches. Si l'on veut résoudre ce problème, il faudrait que les collectivités prévoient des résidences dans leurs plans d'aménagement. »L'autre hic, c'est que la capitale n'est pas forcément sur la feuille de route des grands commissaires d'exposition ou critiques d'art internationaux. Les curateurs locaux ne brillent pas non plus toujours par leur curiosité ou leur empressement. « Les professionnels français ne font pas le tour des galeries et des ateliers de manière systématique. Le milieu français est fermé, regrette Stéphane Corréard, directeur du Salon de Montrouge. C'est un signe de notre faiblesse. Quand on est sûr de soi, on accueille sans problème. »La province aussi malgré toutLe centralisme hexagonal réduit enfin toute velléité de s'arrimer en région, même si le Chinois Yan Pei Ming vit à Dijon depuis vingt-cinq ans. Ce choix remonte à ses années d'études en Bourgogne. Car la France garde une aura, ne serait-ce que pour des questions d'art de vivre ou d'artisanat. L'Américain Jim Dine a séjourné temporairement à Paris pour travailler avec l'imprimeur Aldo Crommelynck. Dans le catalogue de l'exposition « Airs de Paris », l'artiste d'origine italienne, Tatiana Trouvé, disait de manière finement ironique?: « Il y a deux choses que j'apprécie à Paris, dont l'évocation sur un même plan semblera probablement absurde?: les intellectuels et les chaussures. »Grâce à ses institutions, Paris reste un lieu de ressourcement intellectuel. De son côté, l'École nationale supérieure des beaux-arts (Ensba) accueille grosso modo tous les ans 25 % à 30 % d'étudiants étrangers. D'après le directeur de l'établissement, Henri-Claude Cousseau, ils sont séduits par un corps professoral très international, où figurent notamment l'artiste italien Giuseppe Penone ou le Britannique Richard Deacon. Si les Américains boudent souvent Paris, les Asiatiques et les créateurs d'Europe de l'Est comptent parmi les contingents les plus importants, notamment à la Cité internationale des arts. Rappelons que feu Chen Zhen avait élu domicile en France, tout comme son compatriote Wang Du.Les artistes étrangers attachés à notre pays affichent souvent un profil bien particulier. L'Allemand Anselm Kiefer est mal aimé outre-Rhin. Aussi n'est-il pas étonnant qu'il ait quitté son pays pour vivre depuis quinze ans de ce côté du Rhin. Après avoir cherché une attache en Écosse et en Italie, il s'est installé en 1993 à Barjac, un désert, comme l'était son atelier de Hornbach, dans l'Allemagne profonde. L'arrivée en France de l'Américain Cameron Jamie obéit à des motivations similaires. « Cameron voulait une sphère neutre. Il aime être isol頻, souligne sa galeriste, Nathalie Obadia. Les vieux territorialismes n'ont toutefois plus cours. L'Espagnol Miquel Barceló séjourne aussi bien à Paris qu'à Majorque, tandis que Mircea Cantor se partage entre la Roumanie et la France. Les villes ne sont plus des lieux d'ancrage, mais des porte-avions ou des bases arrière. Adrien GrandetAprès avoir capté les artistes du monde entier au début du XXe siècle, Paris a perdu de son attrait, même si quelques grands plasticiens continuent d'y être accueillis.Les artistes sont-ils encore chez eux à Paris??
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