Vikram Seth, quand roman rime

Vikram Seth, quand roman rime avec talentIl aurait dû être un spécialiste des chiffres, c'est devenu un amoureux des lettres. Né en 1952 à Calcutta, Vikram Seth fait ses études en Inde puis en Angleterre, avant de s'inscrire en économie à l'université Stanford, aux États-Unis. Pour les besoins de son doctorat, il passe deux années en Chine, mais ramène, au lieu d'une thèse, un récit de voyage, publié en 1983. De retour en Californie, il se consacre alors à l'écriture de « Golden Gate », l'histoire d'une poignée de personnages en quête d'amour à San Francisco, dans les années 1980. Un premier roman dont la particularité est d'être? écrit en vers !Pouchkine, le modèle« Quelques années auparavant, j'avais découvert ?Eugène Onéguine?, le chef-d'?uvre d'Alexandre Pouchkine, se souvient Vikram Seth. Ce livre m'a ensorcelé et je me suis inspiré de sa structure en sonnets pour ?Golden Gate?. L'idée pouvait sembler folle, mais je me sentais plus capable d'écrire en vers qu'en prose : je n'avais jamais rédigé ne serait-ce qu'une nouvelle, alors que j'avais déjà composé de la poésie. Depuis, j'ai écrit deux romans en prose, ?Un garçon convenable?, ?Quatuor?, et un récit familial, ?Deux Vies?. Si je suis incapable de citer un paragraphe de mon livre le plus récent, je peux en revanche réciter des strophes entières de ?Golden Gate? : grâce au rythme et aux rimes, les mots reviennent à l'esprit très clairement, même s'ils datent de plus de vingt ans ! »Publié aux États-Unis en 1986, « Golden Gate » révèle Vikram Seth au public anglophone. Il aura fallu attendre vingt-trois ans pour qu'il soit enfin traduit en français. La tâche était rude, elle a été confiée à Claro, l'un de nos traducteurs les plus réputés, célèbre pour son travail sur William T. Vollmann ou Thomas Pynchon. « Plus qu'une traduction, c'est une véritable recréation : Claro a choisi de transformer les tétramètres anglais en alexandrins. Son nom devrait figurer sur la couverture, aux côtés du mien ! Je dois beaucoup aux traducteurs. Sans eux, je n'aurais jamais lu ?Eugène Onéguine? et je ne serais jamais devenu écrivain », déclare Vikram Seth, lui-même traducteur à ses heures. De l'hindi ? Non, du mandarin ! Il l'a appris pour lire les poètes chinois dans leur langue d'origine?Sujets modernes« Golden Gate » se lit très bien en français : la forme, pourtant contraignante, du sonnet, ne ralentit jamais, ni n'alourdit, le récit. Libre à chacun de choisir sa vitesse de lecture : rapide, portée par le rythme soutenu de l'intrigue, ou lente, attentive à la grâce subtile de la poésie. Selon sa nature, le lecteur sera plutôt sensible au caractère sentimental du livre ou à son aspect sociétal. Vikram Seth utilise une forme classique, mais ses sujets sont modernes : la solitude de l'individu dans les grandes villes, la folie de l'enrichissement personnel, en passant par l'écologie et la menace nucléaire?« Quand je suis arrivé à San Francisco, le choc culturel a été fort. Les individus s'y comportaient comme nulle part ailleurs, et les contradictions de la société américaine étaient très marquées. C'était à la fois une époque conservatrice, avec Reagan au pouvoir, et anticonformiste avec, par exemple, les mouvements pour les droits des homosexuels. » Une question sur laquelle Vikram Seth s'est récemment exprimé, en Inde : « Là-bas, la loi condamne toujours sévèrement les pratiques homosexuelles. Avec d'autres intellectuels, je me suis prononcé en faveur d'une légalisation. Les choses évoluent, mais beaucoup trop lentement. »Aujourd'hui, Vikram Seth vit à Salisbury, en Angleterre, mais se rend souvent à Delhi. L'ancien étudiant en économie donne son avis sur la situation de son pays natal : « Jusqu'ici, l'Inde a moins souffert de la crise que les pays d'Asie plus tournés vers l'exportation, comme la Chine ou le Japon, mais a tout de même été très touché, notamment dans le secteur du textile. Ce qui m'inquiète le plus, c'est que la crise va renforcer l'exacerbation de l'ultranationalisme. L'idée indienne selon laquelle chaque individu est un citoyen à part entière, quelles que soient sa langue, son origine ou sa religion, me semble menacée. » Une crainte confirmée par les récents propos du petit-fils d'Indira Gandhi, qui s'en est pris à la minorité musulmane du pays, à quelques jours des élections législatives?Aimé Ancian « Golden Gate », Vikram Seth, traduit de l'anglais (Inde) par Claro, éd. Grasset, 338 pages, 20 euros.Vikram Seth est considéré comme l'un des plus grands écrivains indiens anglophones. Rencontre avec l'auteur, à l'occasion de la traduction de son « Golden Gate », un roman écrit en vers.
Commentaire 0

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

Il n'y a actuellement aucun commentaire concernant cet article.
Soyez le premier à donner votre avis !

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.