« Renégocier aujourd'hui

Le plan de relance du gouvernement vous paraît-il à la hauteur de la récession qui menace la France ?Mois après mois, on découvre que cette récession sera encore plus importante que prévu. Aujourd'hui, le plan du gouvernement s'avère insuffisant sur deux points : la consommation et le soutien aux entreprises, en particulier les petites, dont la pérennité est menacée à court terme.Le plan consacré à la filière automobile est-il à la hauteur ?Il est surtout difficile à comprendre. On a d'abord prêté des milliards d'euros aux banques pour favoriser la distribution de crédits aux entreprises, et, aujourd'hui, il faut prêter de l'argent aux grandes entreprises de la filière automobile parce qu'elles rencontrent un problème de crédit. Le plan comprend aussi des aides à l'investissement mais il n'aborde pas le problème des contreparties. La CFDT souhaiterait qu'elles fassent l'objet d'une négociation au niveau de la branche ou de l'entreprise. Il faut que celle-ci s'engage à la fois vis-à-vis de ses salariés et des autres entreprises qui contribuent à son activité en amont et en aval.Que pensez-vous des mesures que le gouvernement a annoncées pour défendre l'emploi ?Elles sont utiles. Mais rien n'a été fait pour les petites entreprises qui vont subir un arrêt de leur activité, non pas parce qu'elles ont été mal gérées mais parce que les commandes n'arriveront plus. Lorsque la reprise sera là, on aura besoin d'elles. Je l'ai dit au président de la République et il m'a répondu : « Ça, on ne sait pas faire, on ne l'a jamais fait. » Il faut trouver une solution.En avez-vous une ?Il y a plusieurs pistes dont on doit débattre : des reports de charges, un allongement du chômage partiel, une prise en charge de leurs salariés auxquels serait proposée une formation professionnelle. Les partenaires sociaux viennent de décider de mobiliser 200 millions d'euros pour financer des formations. L'État doit-il abonder ces fonds afin que les salariés concernés puissent continuer à bénéficier d'une rémunération tout en soulageant provisoirement les entreprises ? À situation exceptionnelle, mesures exceptionnelles.Des entreprises profitent de la crise pour faire des plans sociaux. Êtes-vous favorable au gel des licenciements comme certains le demandent ?Les règles qui encadrent les plans sociaux doivent être débattues. Globalement, dans le droit français, on a un problème de gouvernance des entreprises : les représentants des salariés n'ont pas accès aux chiffres essentiels et ne sont pas associés aux décisions stratégiques. Une entreprise dégageant des bénéfices ne peut pas supprimer des emplois sans s'engager à en créer par ailleurs un nombre équivalent. Si, pour cela, il faut revoir la loi, alors portons cette exigence à l'agenda social.La grève générale du 29 janvier est-elle la bonne méthode pour relayer les inquiétudes des Français ?C'est une journée d'action nationale, chacun décide de faire grève ou pas. Cette journée est importante parce que les salariés ont le sentiment de payer par leur emploi, leurs salaires, leurs droits sociaux une crise dont ils ne sont aucunement responsables. Ils sont victimes d'un système devenu fou, parce qu'incontrôlé. Il faut pouvoir l'exprimer, parce que, si on ne le dit pas fort, je ne me fais aucune illusion, le système se reconstruira. L'organisation de l'économie au niveau mondial a été voulue par les responsables politiques qui, aujourd'hui, se dédouanent bien vite de leurs responsabilités. Quant au Medef, il ne parle que des parachutes dorés, qui sont scandaleux, mais on ne l'entend pas proposer des solutions pour éviter toutes les dérives du capitalisme financier.Le programme de travail des partenaires sociaux a été très soutenu depuis 2007. Êtes-vous satisfait du résultat ?Si on fait le bilan de ces dix-huit mois de négociations et des accords qui ont été signés, je trouve que les partenaires sociaux, et la CFDT en particulier, ont obtenu des résultats totalement adaptés à la crise économique.Les nouvelles règles imposées par l'État vous ont poussé à conclure assez vite. Finalement, c'est une bonne chose ?On pourra toujours discuter des délais, mais le résultat est là. Et je peux aujourd'hui regarder les salariés en difficulté dans les yeux en leur disant : « J'ai fait mon travail de syndicaliste, je vous ai apporté des droits que nous n'aviez pas, j'ai amélioré votre situation. »La CFDT est seule signataire sur l'assurance chômage. Assumez-vous pleinement cet accord ?Personne ne conteste l'existence de nouveaux droits. Par exemple, l'indemnisation accordée aux chômeurs qui ont travaillé quatre mois. C'est l'entrée la plus rapide dans l'assurance chômage de tous les pays d'Europe ! On nous reproche le fait que certains verraient éventuellement leur durée d'indemnisation réduite. Les cinq syndicats avaient une revendication commune : « un jour cotisé = un jour indemnis頻. C'est parce que nous réclamions cela de façon unitaire que nous l'avons obtenu. Et maintenant ceux qui n'ont pas signé l'accord nous le reprochent.Les syndicats non signataires ont quinze jours pour exercer leur droit d'opposition. Que va-t-il se passer ?C'est inédit. Nous nous sommes engagés dans une réforme de la représentativité qui va vers des systèmes d'accords majoritaires. Nous sommes minoritaires, nous le constatons. Si trois organisations s'opposent par écrit, notre signature sera caduque. À partir de là, seul le gouvernement sera responsable de l'avenir de l'assurance chômage.Que fera-t-il ?Je ne sais pas. Je constate que le gouvernement vient par exemple de créer l'offre raisonnable d'emploi ? un système plus contraignant pour le chômeur ? et a décidé de supprimer les dispenses de recherche d'emploi? Donc, pour le moment, ses décisions ont été restrictives.Si l'État vous dit : « Renégociez », vous y allez ?Le patronat ne le souhaite pas. Or, pour négocier, il faut être deux. Quand il s'agit d'aller autour de la table, nous ne nous dérobons jamais. Renégocier aujourd'hui ne serait pas sans risque. Obtiendra-t-on mieux en ce qui concerne le niveau d'indemnisation des chômeurs ?Acter une baisse des cotisations, conditionnée à la situation financière de l'Unedic, était-ce raisonnable ?C'est le point faible de l'accord, mais il faut savoir faire des compromis. Cela dit, aujourd'hui, avec la connaissance qu'on a de l'évolution de l'emploi, le vrai risque est que nous nous retrouvions fin 2009 ou en 2010 dans une situation économique grave pour l'assurance chômage. Or, dans la clause de sauvegarde, l'excédent n'est pas la seule condition évoquée. Il est aussi question de la situation financière de l'Unedic. Donc, une baisse des cotisations me semble peu probable.Avez-vous l'impression que la CFTC et la CGC vous font payer votre soutien à la réforme de la représentativité ?Peut-être. Mais si le choix de syndicats est de se venger d'une réforme de la représentativité sur le dos des chômeurs, c'est dommage pour les chômeurs.Serez-vous candidat au prochain congrès en 2010 ?Oui. Je proposerai au bureau national de me représenter au congrès et les militants choisiront. Ce sera mon troisième mandat de quatre ans et vraisemblablement le dernier.Vous avez eu l'impression à un moment que Nicolas Sarkozy vous trahissait. Ce n'est plus le cas ?Le président de la République est toujours dans la provocation, toujours dans le rapport de forces. Ce n'est pas ce qui caractérise la CFDT. On pourrait résoudre les problèmes plus sereinement et faire davantage confiance aux partenaires sociaux.Il se dit aussi que la stratégie de Nicolas Sarkozy est de favoriser SUD et Besancenot pour diviser la gauche?Si c'est cela, c'est une erreur. François Mitterrand a eu la même démarche avec l'extrême droite et cela a conduit la France dans une impasse. Je ne mets pas au même niveau l'extrême gauche et l'extrême droite, mais choisir les extrêmes, c'est stupide ! nFrançois chérèque, secrétaire général de la cfdt
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