L'État consolide sa position dans le rapprochement des mutualistes

Longtemps centrales dans le projet de fusion des groupes Banque Populaire et Caisse d'Épargne, les questions financières ont fait place aux enjeux de pouvoir et de communication. Des enjeux qui justifient apparemment de décaler à demain l'annonce de la fusion, alors que les autorités avaient intimé aux deux groupes de l'effectuer au plus tard aujourd'hui, date de présentation des résultats annuels des deux groupes et de leur filiale commune Natixis.Les mutualistes assurent que cet « ajustement » vise à faciliter la tâche des médias et des banquiers, qui « ne peuvent pas être au four et au moulin ». Mais ces contraintes sont connues depuis longtemps. Alors, pourquoi ce changement de dernière minute ? « Il faut demander aux pouvoirs publics », souffle une source interne. Très porté sur le « storytelling » (l'art de « raconter des histoires »), l'Élysée ne veut pas polluer la belle histoire de la création du 2e groupe bancaire français avec les annonces de pertes qui se succéderont aujourd'hui (environ 300 millions d'euros pour les Banques Populaires, 2 milliards pour l'Écureuil et environ 2,5 milliards pour Natixis). Il s'assure en outre que la gravité de ces pertes sera largement répercutée par les médias, ce qui lui permettra de se présenter en sauveur, donc de couper court aux polémiques sur les conditions de son intervention.obtenir des concessionsEn attendant, les mutualistes cherchent à obtenir des concessions. Ils ont ainsi obtenu que le futur groupe ait un conseil de surveillance, qui pourrait compter 20 membres (8 issus de chaque camp, 2 de l'État et 2 indépendants). Les documents présentés aux instances mutualistes hier envisagent d'ailleurs d'instaurer une majorité qualifiée de 17 voix pour les décisions stratégiques, ce qui empêcherait les mutualistes d'imposer leurs vues. Devant l'absence de candidat du côté des Caisses d'Épargne et la volonté de l'Élysée d'imposer un patron issu des Banques Populaires, Philippe Dupont a obtenu hier le soutien de ses troupes pour prendre la future présidence tournante du conseil de surveillance, en alternance avec un Écureuil après deux ou trois ans. Quant au secrétaire général adjoint de l'Élysée, François Pérol, il deviendra lundi le patron de chacun des deux groupes, avant de prendre la présidence du directoire du nouveau groupe en juin. Il y sera secondé par 3 ou 4 directeurs généraux délégués (soit deux de chaque camp, soit un de chaque camp et un « neutre »).Le principal enjeu réside en fait dans le format de l'injection de fonds publics. L'aide publique se montera à 5 milliards d'euros. Une première moitié (autour de 2,5 milliards d'euros), liée au plan de soutien au secteur bancaire, sera versée sous forme de titres hybrides comme nous l'indiquions hier. La seconde moitié se matérialisera par la souscription d'actions de préférence convertibles en actions ordinaires d'ici trois à cinq ans.Une menace qui doit inciter le futur ensemble à rembourser au plus vite. « L'État ne veut vraiment pas être actionnaire du nouvel ensemble », souligne une source proche du dossier.Même dans le cas extrême où l'État entrerait au capital, sa participation n'atteindra pas 20 % du nouvel ensemble contrairement aux déclarations de l'Élysée mardi soir. Le chiffre exact dépendra des modalités de conversion des actions de préférence, qui restent à fixer, et de la base de valorisation du nouvel ensemble. Celle-ci étant aujourd'hui estimée autour de 20 milliards d'euros par les deux groupes, l'État ne peut prétendre qu'à 10 à 15 % du futur ensemble. Voire moins, puisque les actifs laissés à l'écart sont censés être apportés au groupe dès que l'horizon financier sera éclairci, ce qui ne manquera pas de diluer massivement la participation publique, qui descendrait très probablement sous les 10 %. Un niveau qui rend la mainmise de l'État-actionnaire sur le futur groupe plus difficile à justifier. Du moins du point de vue économique.
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