Dauphine

Le paradoxe est célèbre : Dauphine (Paris IX) est la s?ur jumelle de Vincennes (aujourd'hui Paris VIII). Oui, la fac bourgeoise de l'Ouest parisien, où 70 % de ses étudiants sont issus de milieux CSP +, est aussi une enfant de Mai 68. À l'époque, le ministre de l'Éducation nationale, Edgar Faure, voulut créer une université autonome et innovatrice capable de casser le monopole des grandes écoles dans la formation des élites dirigeantes. Dauphine, marquée dès l'origine par de grands noms (Alain Cotta, Pierre Tabatoni, André Cibert, Henri Tézénas du Montcel ou Élie Cohen), acquiert très vite une forte notoriété en sciences de gestion. Aujourd'hui, « plusieurs spécificités sont restées de ce projet original, explique Bernard de Montmorillon, président de 1997 à 2007. C'est une université professionnalisante, en lien étroit avec le milieu professionnel, mais aussi pluridisciplinaire. L'articulation originale de ses disciplines (droit, économie, management, mathématique, informatique) a longtemps été synthétisée dans les sciences de l'organisation des décisions. Dauphine s'est aussi fondée sur le renouveau de la recherche. »Autre originalité, les cours en petits groupes destinés à en finir avec le règne des mandarins et des cours magistraux. Mais, nuance Hervé Hamon, ancien directeur de la formation continue et présent dès les premiers jours, les petits groupes étaient aussi une contrainte due aux locaux, l'ancien siège de l'Otan n'ayant qu'un amphi. Ce lieu unique aux capacités limitées a « facilit頻 la mise en place d'une autre particularité : la sélection, légalisée en 2004 grâce à un changement de statut. « Sinon, nous risquions d'être submergés par les demandes? », explique Bernard Colasse, professeur en sciences de gestionAutre spécificité, la proximité avec le monde de l'entreprise. Outre ses 2.000 intervenants professionnels, Dauphine a créé un incubateur d'entreprises, Agoranov, lancé un MBA avec l'IAE de Paris-Sorbonne et Renault, développé des chaires d'entreprise (finances quantitatives avec EDF et Calyon, risques majeurs avec Axa?) et lancé une fondation partenariale. Un atout sur le marché du travail. « Pour 90 % des étudiants, les stages sont des préemplois. Les masters de Dauphine sont préférés aux premières écoles de commerce quand nous cherchons un profil pointu », assure Antoine de Riedmatten, associé chez Deloitte. Le cabinet, qui anonce aujourd'hui un partenariat de trois ans avec Paris IX, compte 200 diplômés Dauphine sur 3.000 salariés. À l'embauche, ils peuvent espérer 40.000 euros de rémunération annuelle brute.Mais Dauphine n'échappe pas à la crise de la quarantaine. Nombreux sont ceux qui pointent les limites du système et les défis à relever pour « passer au stade supérieur », notamment à l'international, comme le suggère Alain Bienaymé. Le professeur émérite relève plusieurs points faibles, dont la dérive bureaucratique, la taille trop modeste, le manque d'alliances avec d'autres établissements ou encore le recrutement des enseignants-chercheurs (alors que de nombreux « porte-drapeaux » vont partir à la retraite).« Nous sommes confrontés à une concurrence intense de la part des grandes écoles, qui se mettent à faire de la recherche pour leurs accréditations internationales et recrutent nos docteurs », regrette Bernard Colasse, qui parle de « mercato » de jeunes docteurs en sciences de gestion. D'autant plus que le modèle Dauphine a accentué la dispersion de la recherche, note Hervé Hamon, qui épingle aussi l'émiettement des formations (Dauphine compte 80 masters). Bref, l'heure est venue de « changer de registre ». Seul hic, les moyens. Relever ces défis nécessite de régler le plus important d'entre eux : les moyens. Les intervenants extérieurs, les cours en petits groupes, la maintenance des locaux? tout ça coûte cher (Dauphine a accusé un déficit en 2006). Or, souligne Bernard Colasse, la fondation et les chaires d'entreprise (1 million d'euros sur cinq ans par chaire) ne suffisant pas, « la seule solution est d'augmenter les droits d'inscription ». Le moment n'est guère opportun.
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