« Bretton Woods, c'est le forum de Davos ? !  »

Nombre d'économistes et d'organisations internationales sont pessimistes sur l'économie mondiale en 2009. Partagez-vous leur diagnostic??Klaus Schwab?: C'est vrai que nous sommes dans une crise inouïe, et que nous n'en sommes pas encore sortis. Nous n'avons pas encore tiré toutes les leçons de ces événements exceptionnels, et c'est justement l'objectif de Davos 2009, dont le thème est « Anticiper le monde de l'après-crise ». Il faut profiter de cette opportunité pour refaçonner le système. La crise a joué le rôle de signal d'alarme, elle témoigne d'attitudes qui n'étaient pas soutenables sur le long terme et d'organisations qui auraient dû être réformées depuis longtemps.À quelles organisations pensez-vous?? Toutes celles de la coopération internationale, par exemple. Le G20, c'est bien, mais ce n'est pas idéal, il faut le réformer. Idem pour le système de régulation financière, qui doit empêcher les spéculations folles comme celles qu'on a connues. Il nous faut reconstruire le capitalisme sur les principes de l'éthique et de la morale.C'est ce que préconise le forum de Davos depuis longtemps?J'ai écrit moi-même un livre en 1971, qui expliquait que l'entreprise ne doit pas seulement servir ses actionnaires, mais s'intéresser à toutes les parties prenantes?! Ce thème est au c?ur de Davos depuis des années.Et c'est resté sans effet?Que voulez-vous, je me sens parfois comme un curé qu'on écoute pour le sermon du dimanche, mais qui n'a malheureusement pas d'influence sur les autres jours de la semaine?!En matière de régulation, que faut-il faire?? L'économie mondiale fonctionne comme une autoroute très large, dont les règles sont établies par chaque commune traversée. Certains avaient acheté des Ferrari, et roulaient à 250 km à l'heure. Et tous les conducteurs se sont mis à faire des excès, car la peur du gendarme avait disparu. Jusqu'à l'accident de Lehman Brothers, en septembre 2008, qui a déclenché un carambolage. Les gouvernements ont alors emmené les blessés à l'hôpital. Il faut maintenant s'assurer que tout le monde guérit, et définir des règles communes pour l'autoroute. Car personne n'ose plus conduire. Davos, dans cette histoire, est un peu le sanatorium dans lequel les accidentés rétablissent leur santé et commencent à repenser à l'avenir. Après les carambolages, on a tendance à moins voyager, voire à couper les routes. Croyez-vous au retour du protectionnisme?? Je le redoute, et j'en vois les premiers signes. Tout le monde est très angoissé, et tout le monde devient plus égoïste. Mais il y a aussi le désir d'échanger et le besoin de davantage de coopération. Il n'y a jamais eu autant d'intérêt pour Davos que cette année. C'est un bon signe. Davos a toujours promu le libéralisme. Or, on voit aujourd'hui un retour universel de l'État, associé à la critique du marché. Cela ne vous inquiète-t-il pas?? J'ai été influencé par Ludwig Erhart, l'un des théoriciens de l'« économie sociale de march頻, qui ambitionnait de réconcilier les deux pôles. Mais ce n'est pas facile. Dans les années 1970, le balancier était du côté social. Depuis une quinzaine d'années, il avait changé sa course pour aller à l'autre extrémité, vers le marché et l'individu. Il repart aujourd'hui à l'inverse. J'espère toutefois qu'on ne tuera pas l'esprit entrepreneurial. Car au bout du compte le progrès économique et social est basé sur l'esprit d'entreprise et sur le risque que prennent les créateurs. C'est la 39e édition du forum de Davos. En quoi la communauté mondiale a-t-elle changé depuis tout ce temps?? Deux choses me frappent. La complexité croissante des problèmes d'abord. Il a quarante ans, il n'y avait que quatre ou cinq grandes questions internationales?: l'Est-Ouest, le Nord-Sud, le commerce et la monnaie. Aujourd'hui, nous avons répertorié plus de trente sujets essentiels, du climat à la régulation financière? D'autre part, le temps s'accélère, et il faut prendre les décisions à vingt ou trente. Comment traiter trente à quarante défis majeurs simultanément alors que le temps presse et que les décideurs sont nombreux?? C'est la question d'aujourd'hui. La bonne volonté n'a pas disparu, mais les sujets sont plus compliqués qu'auparavant. Croyez-vous à la « refonte du capitalisme »?? On évoque souvent Bretton Woods. Cette conférence a duré plusieurs semaines et elle a rassemblé des économistes, des intellectuels? Ce n'est pas le cas du G20, qui prend des décisions. Bretton Woods d'aujourd'hui, c'est Davos, qui rassemble toutes les parties prenantes de la société et prépare les décisions qui seront prises par d'autres, notamment par le G20.Propos recueillis parFrançois Lengletklaus schwab
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