« Ici-bas », entre Maroc et Hongrie

livreDe lui, on ne sait pratiquement rien. À peine deux lignes laconiques en quatrième de couverture de son premier roman. Bruno Nassim Aboudrar a vu le jour à Paris où il habite encore aujourd'hui. Prénom français, nom de famille arabe. « Ici-bas » est peut-être son histoire. Ou celle de ses parents. Reste que ce livre marque l'entrée en littérature d'un écrivain dont le style riche et assuré, doublé d'un sens du récit certain, tranche avec ce qui se fait aujourd'hui. Et puis il y a cette histoire qu'il nous conte dans un aller et retour permanent entre l'ex-Empire austro-hongrois et le Maroc de 1923 à 1955, deux contrées rarement croisées auparavant.L'ex-Empire austro-hongrois tout d'abord. C'est là, dans la ville d'Arad, que vivent Zoli, son épouse Erzsi et leurs trois enfants (Vilma l'ainée, Zsuzsi et Ferenc). Lui est médecin. Elle, femme de notable à cheval sur les conventions sociales, heureuse de se débarrasser de la vieille gouvernante de son mari qui lui rappelle de manière trop évidente leurs origines juives. Lorsque le roman commence en 1923, la ville hier hongroise appartient désormais à la Roumanie. Les deux plus jeunes enfants ne rêvent et ne vivent que pour la musique. Vilma, elle, voudrait soigner les fous.Côté marocain, en ces années-là, règne l'administration du protectorat français. Aux portes de Rabat, Hossein et Aicha sont à peine parents qu'ils doivent faire face à la mort de leur petite fille. Viendront d'autres enfants, dont Ali qui sera formé à la musique par le pianiste de l'hôtel Balima où les colons avaient l'habitude de se retrouver en fin de journée.rencontre improbableBruno Nassim Aboudrar tisse des fils entre les uns et les autres. Se faisant, il ravive deux mondes soufflés par l'Histoire. C'est avec nostalgie qu'il évoque les derniers feux de cette société bourgeoise de l'Empire austro-hongrois. Et c'est avec férocité mais aussi un humour cinglant qu'il décrit le petit monde des colons. Au fil des pages, la rencontre improbable entre ces deux univers réunis par la musique prend corps, servie par une écriture à la beauté classique, parfois savante, presque physique lorsqu'il est question de musique, dans une sensualité toujours talonnée par la mort. Yasmine Youssi « Ici-bas », Éditions Gallimard, 400 pages, 22,90 euros.
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