Un bijou au royaume de Suède

Inutile de résumer ou d'introduire l'intrigue de « Happy Sweden », réalisé par le Suédois Ruben Östlund. Pas plus que de se fier à la bande-annonce. Ce serait nécessairement tronquer ce fantastique chef-d'?uvre.Il est ici question des risques de l'alcool chez les mineurs qui boivent de plus en plus tôt, du danger des webcams ainsi que de la maltraitance des enfants par les enseignants à l'école. Mais par-delà cette dimension sociale, un autre film voit le jour. Son intérêt réside dans l'étude, profonde et puissante, de l'interaction entre le groupe et l'individu. C'est ainsi qu'un jeune homme, à qui on lance un défi dangereux et idiot, se doit de le relever pour ne pas perdre la face. Ces situations montrent que c'est toujours dans la faiblesse qu'on agit différemment, stupidement.Le réalisateur est un passionné de ski alpin. Il a consacré de nombreux films amateurs à ce sport. Les contraintes techniques que cela impose (une prise unique pour rendre compte de la performance du sportif) l'ont inspiré pour son premier long-métrage. Afin de montrer ces situations de conflit (l'institutrice face à ses collègues, une adolescente devant l'autorité parentale?), le cinéaste choisit donc le plan-séquence, fixe, long et implacable.réalisme glacéLe climat du film, au départ calme et serein, se fait lourd, inquiétant parfois. La caméra, par sa fixité, semble disparaître. Seuls les personnages restent, témoins ou acteurs d'une situation qui les dépasse. Le réalisme glacé de certaines séquences toucherait au documentaire si Östlund n'avait eu l'idée de soigner ses plans. Ainsi, le spectateur assiste, médusé, à des scènes superbement construites, d'une originalité sans cesse renouvelée.La singularité de « Happy Sweden » provient de cette extrême variété des séquences. Comme quand un groupe de jeunes filles taquinent un type dans un bus, ou quand un jeune homme ivre pousse le bouchon un peu loin pour faire rire ses amis. Ou qu'un chauffeur de car refuse de démarrer et fait attendre son équipage des heures durant.Ces situations d'une apparente trivialité, ici développées sur la longueur, deviennent des scènes d'anthologie. Le jeune cinéaste entraîne son film vers les cimes d'un cinéma scandinave qui, depuis quelque temps, peinait à trouver ses marques. n
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