Le rouble dans le tonneau des Danaïdes

Pendant que l'euro et le dollar continuent de jouer au chat et à la souris, au gré des chiffres économiques et des déclarations de politique monétaire, le rouble, indexé sur un panier de monnaies composé à 45% d'euros et 55% de billets verts, poursuit sa descente aux enfers.La monnaie russe a amplifié sa chute jeudi, atteignant de nouveaux planchers historiques face au dollar et à l'euro, après la dévaluation de 10% décidée la semaine dernière en lieu et place des mini-réajustements de parités qui étaient devenus quasi-quotidiens. Le panier dollar-euro qui sert de référence à l'institut d'émission de Moscou s'est effondré à 39,76 roubles, proche du point bas fixé jeudi dernier à 41 roubles par la Banque de Russie. Au cours des deux dernières séances, le rouble a accusé sa plus forte baisse (5,6%) depuis une décennie, à l'époque de la crise financière qui lui avait fait perdre 71% de sa valeur. La nouvelle fourchette d'encadrement que les autorités monétaires prétendaient inattaquable pendant plusieurs mois, risque de craquer dès les prochaines séances. Une double menace est venue s'ajouter hier à l'épée de Damoclès qui pèse sur la balance des comptes courants russes, prête à plonger dans le rouge. On a appris que malgré la dévaluation musclée de la monnaie, la Banque centrale de Moscou avait encore dû puiser plus de 10 milliards de dollars dans ses réserves de change pour la défendre la semaine écoulée. Elles ne s'élèvent plus qu'à 386,5 milliards de dollars, contre un record de 598,1 milliards atteint début août. C'est dire que ce trésor de guerre a fondu de plus de 35%.Rapport accablantComme si cela ne suffisait pas, l'agence d'évaluation financière Standard & Poor's, qui a dégradé la note souveraine de la Russie à BBB, la placant sous perspective négative, le 8 décembre, a publié hier un rapport accablant, pointant la faiblesse des institutions russes, la fragmentation du secteur financier et la vulnérabilité des entreprises soumises au manque de diversification économique du pays. De ce fait, les entreprises russes risquent de se retrouver dans l'incapacité de lever des fonds à l'étranger pendant des mois.Vladimir Poutine a cru bon de dénoncer la dangereuse dépendance du monde à l'égard du dollar, du haut des cîmes de Davos et d'exhorter au développement d'un mécanisme basé sur une multiplicité de monnaies de réserves régionales. Ses détracteurs auront beau jeu de lui rétorquer qu'un système de change ne se décrète pas et de l'envoyer balayer devant sa porte. D'autant qu'il s'était allié pour l'occasion à son homologue chinois, Wen Jibao, cible des premières attaques de l'équipe Obama, qui a accusé Pékin de manipuler sa monnaie. Les dix ans d'histoire du couple euro-dollar sont là pour le prouver: on n'enterre pas la monnaie mondiale d'un simple coup de baguette magique. Bien que la zone euro couvre une population plus importante que celle des Etats-Unis et dispose d'un PIB analogue, la monnaie unique n'est toujours pas une concurrente du roi vert.Isabelle Croizard
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