L'establishment économique ébranlé

Il est loin le temps où il suffisait au baron Lippens ou au vicomte Davignon de taper du poing sur la table pour remettre de l'ordre dans la maison Belgique. La crise actuelle a porté un rude coup à ces figures de l'establishment financier belge traditionnellement proches du roi et fervents défenseurs de l'unité du pays. En août, le baron, qui était encore pour quelques semaines président du conseil d'administration de Fortis, n'a pas seulement mis la main au portefeuille en achetant 80.000 actions de la banque à environ 9 euros : il a aussi entraîné derrière lui, outre l'oligarque russe Suleyman Kerimov, « toutes les grandes familles belges ». Depuis, celles-ci ont perdu la quasi-totalité de leur investissement, Fortis cotant hier moins de 1 euro. « Lippens est socialement mort », assure un ancien dirigeant de Fortis. Le baron, qui a quitté Fortis, s'est replié sur le fief familial de Knokke, une sorte de Courchevel balnéaire.Même sortie de piste pour l'ancien commissaire européen Étienne Davignon, que la chute de Fortis n'a pas laissé indemne. Le 2 décembre, les actionnaires du bancassureur lui ont retiré son siège au conseil d'administration. Un camouflet sans précédent pour cette figure omniprésente, fait ministre d'État en 2004 par Albert II, président pendant treize ans de la Société Générale de Belgique, véritable poumon du capitalisme belge, et encore vice-président de Suez-Tractebel. Quant à l'octogénaire Albert Frère, qui saluait en octobre l'« adossement de Fortis à une institution solide comme BNP Paribas », il s'abstient de toute prise de position politique depuis l'enlisement de l'opération.Ces étoiles pâlissantes laisseront-elles la place à une élite économique séparatiste, principalement en Flandre où la quête d'autonomie semble sans fin ? Pas nécessairement. « Il est douteux que l'élite flamande veuille l'éclatement du pays », assure un ancien dirigeant de Fortis. La très flamande banque KBC reste traditionnellement proche du parti démocrate-chrétien flamand, le CD&V. « Ils sont très royalistes, ce sont eux qui ont demandé le retour du roi en 1950 », affirme cette source. La NVA, le parti séparatiste, recrute plutôt dans la classe moyenne et chez les commerçants. Le Vlaams Belang, le parti d'extrême droite, arrivé en tête à Anvers lors des dernières municipales, jouit néanmoins de solides soutiens financiers. Bruno Valkeniers, son président depuis mars 2008, est aussi l'ancien président du syndicat des entreprises du port d'Anvers. Son extrémisme le met certes au ban de la bonne société flamande. Mais la crise qui alimente la défiance populaire à l'égard des élites fait son jeu. F. A.Une élite séparatiste prendra-t-elle la place des étoiles pâlissantes ?
Commentaire 0

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

Il n'y a actuellement aucun commentaire concernant cet article.
Soyez le premier à donner votre avis !

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.