Le temps de la réflexion

Il est assez inhabituel pour un banquier central de dévoiler son jeu et de dire ce qu'il va faire. La hausse des taux d'intérêt annoncée comme " possible " début juin par Jean-Claude Trichet avait donc été interprétée par les marchés comme inéluctable. Pour une fois qu'un banquier central parlait clair ! Chose promise, chose due. Pas question pour la Banque centrale européenne de se déjuger. D'abord, parce qu'en matière de politique monétaire on ne badine pas avec l'humeur des marchés. Et si les anticipations de hausse des taux de ceux-ci avaient été prises à contre-pied, la réaction aurait pu être violente. Fortement décommandé à un moment où les investisseurs sont déjà passablement désemparés. Ensuite, parce que la poussée d'inflation enregistrée à fin juin - un record depuis seize ans - fournissait une justification indiscutable à un léger renchérissement du loyer de l'argent. Avec le quart de point de hausse des taux décidé hier, Jean-Claude Trichet et ses pairs estiment avoir momentanément rempli leur rôle de chiens de garde contre le dérapage des prix. Ce faisant, ils ont les mains plus libres pour écrire la suite du scénario, qui va demander un pilotage fin car la conjoncture n'est pas des plus encourageantes. Or, contrairement à une croyance assez répandue, l'inflation n'est pas l'unique obsession de Jean-Claude Trichet et des banquiers centraux ; la croissance ne vient pas très loin derrière. Et tout le monde a bien compris hier que les incertitudes entourant l'évolution à court terme des économies de la zone euro étaient suffisamment fortes pour que la banque centrale de Francfort se donne le temps de la réflexion avant de décider de son prochain mouvement. Il serait sans doute du plus mauvais effet pour sa crédibilité si la BCE s'engouffrait tête baissée dans une série de hausses des taux pour dompter l'inflation, dont la première conséquence serait d'étouffer une croissance européenne qui s'affaiblit de trimestre en trimestre. Une rafale de hausses des taux pour combattre l'inflation suivie d'une rafale de baisses pour perfuser une expansion économique moribonde, voilà à coup sûr un scénario catastrophe propre à déboussoler l'ensemble de la planète financière. C'est la dernière chose dont elle a besoin en ce moment. À défaut d'argent, la BCE a placé sur les marchés son capital le plus précieux, sa réputation. Autant ne pas risquer de tout perdre par un excès d'orthodoxie.
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