Gouelia, pionnier de la gestion de navires traditionnels

Le temps semble loin où les puristes de la tradition maritime s'étripaient gaillardement autour d'un verre de gros-plant pour savoir s'il fallait pousser le souci du détail jusqu'à préférer le chanvre au coton pour la confection de voiles anciennes... Aujourd'hui, la plupart des associations qui se sont mobilisées à la fin des années 80 pour reconstruire des bateaux traditionnels dans le cadre du concours Bateaux des côtes de France (1) s'in-terrogent plutôt sur la manière d'entretenir leurs navires. Et ce n'est pas simple. Investissements parfois intenables Emportés par l'enthousiasme du défi, embarqués dans des projets de reconstruction plus ambitieux les uns que les autres, les responsables de ces associations, qui ont fleuri sur tout le littoral dès 1988, ont pratiquement tous connu des lendemains qui déchantaient après la grande parade de Brest 92 : problèmes de statut des bateaux, de conformité technique, capacités d'embarquement limitées, et surtout casse-tête financier. Outre l'entretien de ces objets de collection, il est en effet devenu nécessaire de pourvoir à la paie de marins professionnels pour faire naviguer ces bateaux pas comme les autres, reproductions de navires du XVIIIe ou du XIXe siècle. « Il a fallu attendre la fin de la saison 1993, et les résultats de la première année pleine d'exploitation, pour que les associations prennent la mesure de leurs limites en matière de gestion, explique Yves Le Roy, le directeur d'armement de Gouelia, la compagnie bretonne de navires traditionnels qui a vu le jour en 1994 (2). Celles qui s'en étaient le mieux tirées avaient équilibré leurs comptes, mais au prix d'un investissement intenable pour les bénévoles. Pour "le Corentin" (3), par exemple, deux personnes avaient travaillé à plein temps pendant toute l'année. » Les associations bretonnes propriétaires de gros bateaux se sont donc décidées en 1994 à créer un armement commun sous forme de SARL, ayant pour mission de prendre en charge les navires. La compagnie Gouelia, basée à Quimper, gère donc directement trois navires traditionnels, et en affrète deux autres, dont la goélette aviso Recouvrance, tous construits à l'occasion de Brest 92. Elle emploie pour cela deux permanents et huit marins professionnels mais saisonniers. Rentabiliser un outil existant sur un marché inexistant... « Nous sommes le premier armement de bateaux traditionnels, explique Yves Le Roy. Notre mission est à l'inverse d'une démarche économique classique. Il nous faut rentabiliser un outil existant sur un marché qui n'est pas encore créé. » La solution ? Ne pas se contenter de quelques embarquements payants comme le faisaient les associations, mais bâtir de véritables produits, à destination de groupes, d'entreprises ou de comités d'entreprise à la recherche d'escapades touristiques dans un cadre original et authentique. Le premier exercice de Gouelia s'est révélé dif- ficile, avec un déficit d'exploitation de 270.000 francs pour un chiffre d'affaires avoisinant le million. L'armateur a redressé la barre en 1995, en obtenant l'équilibre pour un chiffre d'affaires multiplié par deux. Mais le résultat, avoue Yves Le Roy, a été un peu biaisé par une opération exceptionnelle, le tournage d'un téléfilm, Pêcheur d'Islande, pour Canal+. Situation précaire et rentabilité aléatoire « Pour 1996, reprend l'armateur, nous sommes dans la bonne voie et nous espérons atteindre un petit équilibre. Mais, même si nous avons maintenant réussi à fidéliser une clientèle d'entreprises, notre situation reste précaire et notre rentabilité aléatoire. Il nous faudrait passer à une dimension supérieure et faire progresser notre volume d'activité. » Gouelia, qui signifie « hisser la voile » et « fêter » en Breton, entend donc convaincre de nouveaux partenaires pour renforcer sa flotille. Brest 96 arrive, sur ce chapitre, à point nommé. Ph. D. (1) Concours organisé par la revue « le Chasse-Marée » auquel ont participé plusieurs dizaines d'associations, de Berck à Menton. (2) Gouelia SARL, 5, rue René-Madec, BP 1447, 29104 Quimper Cedex. Tél. : 98.95.32.33, fax : 98.64.21.20. (3) Loudre chasse-marée de 32 mètres, construit entre 1990 et 1992 à Quimper.
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