Les ferries se préparent à une bataille de plus en plus rude

LES RÉSULTATS de trafic pour l'année 1995 des compagnies de ferries sur la ligne Calais-Douvres confirment la montée en puissance du tunnel sous la Manche. L'armateur britannique P&O et le pool commercial Sea-link, qui réunissait jusqu'au 31 décembre la Snat (Société nou- velle d'armement transmanche, filiale de la SNCF) et le britannique Stena Lines (filiale du groupe suédois Stena), ont en effet essuyé une bourrasque lors de la première année d'exploitation du lien fixe. P&O, le principal armateur sur le détroit, accuse ainsi une baisse de 8,7 % du nombre de ses passagers transportés (à 9,67 millions de personnes) et de 11,8 % en ce qui concerne le nombre de véhicules de tourisme (à 1,72 million). Le recul du trafic est tout aussi sensible pour le fret avec une contraction de 14,5 % des unités de fret (camions, remorques, conteneurs) transportées (413.000). Outre la concurrence directe des na-vettes poids lourds d'Eurotunnel, P&O a dû subir l'impact des trafics gagnés par les sociétés de chemin de fer EPS et SNCF. De son côté, le pool Sealink a enregistré une baisse de 5,4 % pour le trafic passagers (6,5 millions de passagers) et de 7,5 % pour le fret (356.000 unités). La part de Stena Lines dans le pool Sealink a connu notamment une chute en volume de 6 % de ses trafics passagers (3,26 millions de personnes) et fret (170.800 unités de fret). Malgré ce net fléchissement, qui marque un coup d'arrêt à la croissance continue de leur activité sur Calais-Douvres, les armateurs restent confiants. « Le tunnel arrive à sa capacité maximale. Sa progression sur le marché du transmanche devrait se stabiliser », estime un responsable d'une compagnie britannique. Une analyse que ne partagent toutefois pas les dirigeants d'Eurotunnel. Ceux-ci prévoient une forte activité de la société en 1996 (lire ci-dessus). Par ailleurs, les compagnies de ferries tablent sur la poursuite du développement du transmanche : « Nous sommes sur un marché globalement croissant », souligne à ce titre Didier Bonnet, président du directoire de la société SeaFrance qui a succédé depuis le 1er janvier à la Snat, à la suite de la disparition du pool Sealink après le divorce des deux partenaires. Selon Didier Bonnet, le trafic dans le détroit, tous modes de transport confondus, a progressé de 1994 à 1995 de 19 % pour les passagers, de 26 % pour les voitures et de 23 % pour les camions. L'aller-retour dans la journée: 5 francs Si le marché continue de croître, les armateurs n'ont toutefois pas décroché une martingale. D'une part, le lien fixe sera cette année pleinement opérationnel. D'autre part, le détroit compte désormais trois opérateurs maritimes au lieu de deux : P&O, Stena et SeaFrance. La concurrence risque fort de redoubler, chacun des deux anciens partenaires du pool Sealink devant s'imposer sur le marché. Ce qui passe par un chassé-croisé de part et d'autre de la Manche. Stena Lines doit en effet s'implanter en France et SeaFrance est obligé de prendre des clients outre-Manche à Stena et P&O. Il s'agit là d'un sacré défi : la clientèle britannique représente en effet les deux tiers du marché passagers. La guerre des prix est donc plus que jamais à l'ordre du jour, d'autant que le marché est surcapacitaire. « Toute la question est de savoir quand la croissance du marché absorbera les surcapacités », explique Didier Bonnet. D'ici là, la baisse des prix limitera les recettes des armateurs. « Il est hors de question de ne pas réagir », assure le président du directoire de SeaFrance. La filiale de la SNCF s'est d'ores et déjà alignée sur P&O, qui propose actuellement des allers-retours dans la journée à 5 francs par personne. CHRISTOPHE PALIERSE
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