"Après le Brésil l'an dernier, 2005 sera l'année de la Turquie pour Arcelor"

Alors que le sidérurgiste européen a dû céder la première place mondiale à Mittal Steel au début du mois, Guy Dollé, président de la direction générale, fait le point sur les projets de croissance externe du groupe. Il part également en guerre contre la directive sur les gaz à effet de serre en attaquant sa transposition dans chaque pays de l'Union. Arcelor, qui doit faire face à un ralentissement de la demande d'acier en ce début d'année, tient son assemblée générale à Luxembourg aujourd'hui.Pourquoi venez-vous de décider de réduire votre production ?- Ces vingt dernières années, les sidérurgistes européens avaient du mal à diminuer leur production pour maintenir les prix, contrairement aux Américains. Dans la sidérurgie, on ne peut pas relancer la consommation finale en baissant les prix. L'an dernier, les clients européens ont eu peur d'une pénurie. Ils ont beaucoup stocké. Et ces derniers mois, nous assistons à un déstockage important. Pour l'heure, les prix restent presque constants. Ils s'effritent légèrement dans le sud de l'Europe où les utilisateurs augmentent leurs importations.Vos principaux concurrents européens ont réduit à leur tour leur production. Que répondez-vous aux clients qui vous soupçonnent d'entente sur les prix ?- Les prix de l'acier se fixent au niveau mondial. Qu'Arcelor ait un comportement de leader, je ne le nie pas. C'est pour cela que nous avons créé notre groupe ! Mais Arcelor ne détient pas plus de 50 % de part de marché en France sur les produits plats. Et seulement 3 % dans les ronds à béton. Le marché est ouvert et transparent.Pensez-vous que la flambée des matières premières, qui a conduit Arcelor à augmenter ses prix trimestriels huit fois de suite, va durer ?- Depuis 2002, les matières premières de l'acier ont bondi de 240 %. En 2005, le producteur de fer brésilien CVRD, qui fournit 70 % de nos besoins, a imposé une hausse du minerai de 71,5 %. Nous pensons que le minerai de fer a atteint son maximum et que les prix baisseront à partir de 2006. En revanche, nous tablons encore sur trois à quatre ans de tension sur le charbon à coke.Face à cette situation, envisagez-vous d'investir dans des mines ?- Nous avons dans le passé détenu des mines. Aujourd'hui, nous préférons réserver notre cash pour poursuivre la consolidation engagée dans le secteur. Néanmoins, si nous développons un jour nos actifs en Russie, en Ukraine ou en Inde, il nous faudra nous assurer un approvisionnement en fer. C'est indispensable sur ces marchés où le minerai ne coûte pas cher à extraire. Cela peut se faire en achetant des mines, en nouant un partenariat ou en signant un contrat d'approvisionnement à long terme.Quelle sera votre prochaine acquisition ?- Après le Brésil, nous espérons que 2005 sera l'année de la Turquie pour Arcelor. Le gouvernement vient de signer le décret de privatisation d'Erdemir. Les opérations devraient commencer début mai, avec une procédure prévue sur environ quatre mois. Même si nous ne sommes pas prêts à faire des folies, nous sommes très intéressés par cette société. D'abord, parce que nous sommes présents dans le pays depuis quinze ans. Ensuite, parce que c'est un marché potentiel important. La Turquie importe la moitié de ses besoins d'acier plat aujourd'hui. A 200 kilos par habitant, sa consommation d'acier devrait doubler à moyen terme. De plus, ce pays nous offrirait un accès à la fois à l'Europe de l'Est et au Moyen-Orient.Où en sont vos projets en Chine ?- i nous trouvons une opportunité, nous renforcerons notre présence dès cette année. Nous cherchons à prendre une participation majoritaire dans une société locale. Mais la sidérurgie chinoise se consolide d'abord entre groupes locaux. Par ailleurs, nous maintenons notre intérêt pour l'Ukraine et la Russie. Et à plus long terme, nous nous intéressons à l'Inde.Où en êtes-vous au Brésil ?- Nous sommes aujourd'hui leader en Amérique latine. Au Brésil, nous avons l'intention d'achever avant l'été le regroupement au sein d'un holding de toutes nos participations dans des sidérurgistes brésiliens. Arcelor en détiendra entre 60 % et 70 % et le reste devrait être coté à la Bourse de Sao Paulo. Cette présence est une pièce maîtresse de notre stratégie. Le prix de revient à la tonne (en dollars) y est plus faible qu'en Europe, notamment parce que le coût logistique est limité. Le Brésil va représenter en 2005 près de 30 % de nos bénéfices.Quelles sont les conséquences pour Arcelor des plans européens de limitation des rejets de gaz carbonique ?- Nous approuvons les objectifs de Kyoto mais nous sommes opposés à la directive européenne. Nous avons d'ailleurs introduit un recours devant la Cour européenne de justice. Nous appuyons cette requête en attaquant actuellement dans chaque pays la transposition de cette directive. Nous estimons que ce dispositif introduit une distorsion de concurrence, entre pays européens d'une part, et entre les matériaux d'autre part, puisque les productions d'aluminium et de plastique, par exemple, ne sont pas concernées. En outre, la directive nous interdit toute optimisation interne à notre groupe au sein de l'Europe, ce qui est un comble !Propos recueillis par Laurence Boisseau, Robert Jules et Marie-Caroline Lopez
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