Louis Schweitzer embraye sur Le Monde

Une quatrième vie ! Après la politique, où il fut directeur de cabinet de Laurent Fabius, après près de treize ans à la tête de Renault et après la présidence de la Halde - Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité -, Louis Schweitzer se retrouve propulsé à la tête du plus célèbre quotidien français. Il a été élu hier, à l'unanimité, président du conseil de surveillance du Monde, en remplacement d'Alain Minc, poussé vers la sortie par la Société des rédacteurs du Monde (SRM), actionnaire de référence du groupe de presse.Ce passionné de théâtre - il est président du conseil d'administration d'Avignon -, est désormais aux premières loges d'une des pièces les plus médiatiques du microcosme parisien. Depuis près de dix mois, Le Monde est en crise perpétuelle. Crise de gérance, comme en témoignent les récents épisodes, mais également crise financière, avec un endettement supérieur à 90 millions d'euros. Son arrivée marque également la fin de l'époque Minc. " C'est un grand bol d'air frais pour le Monde ", estime un journaliste. Pour un membre de la SRM, " le journal retrouve enfin la sérénité, même si les problèmes économiques demeurent ".RETROUVER RAPIDEMENT DES CAPITAUXContrairement à Alain Minc, dont la proximité avec Nicolas Sarkozy a choqué, Louis Schweitzer, homme de gauche, affiche un engagement beaucoup plus conforme à l'image du quotidien du soir. " C'est Claude Perdriel [ patron du Nouvel Obs, actionnaire du Monde, Ndlr] qui l'a soutenu pour la présidence du conseil de surveillance ", insiste un membre de la SRM. Louis Schweitzer et les nouveaux membres du directoire, Éric Fottorino, président du directoire, et David Guiraud, directeur général - qui vient également d'être élu après avoir été remercié par les Échos - vont devoir s'atteler à remettre de l'ordre dans le groupe de presse. Et il y a urgence, car il est en situation financière précaire. Et les perspectives sombres du marché publicitaire l'obligent à retrouver rapidement des capitaux. Les salariés du Monde redoutent que cette remise en ordre financière n'aboutisse à la perte de leur indépendance. Aujourd'hui, le groupe est encore contrôlé par des actionnaires internes dont les journalistes. Alors que l'ancien numéro un du groupe de presse, Pierre Jeantet, avait ouvertement plaidé pour une recapitalisation du Monde, l'estimant même à 75 millions d'euros, Éric Fottorino reste beaucoup plus flou sur les remèdes qu'il compte mettre en place, répétant à l'envi qu'il ne sera pas l'homme qui enterrera Le Monde de Beuve-Méry. Déjà, des actionnaires extérieurs, venant en soutien aux salariés, ont fait savoir qu'ils n'étaient pas prêts à cautionner la prise de " contrôle absolu " par Lagardère et Prisa, par le simple jeu du rachat des obligations remboursables en actions (ORA).Louis Schweitzer ne pourra donc pas rester longtemps silencieux sur ce point. Sous son allure dégingandée, l'homme réputé pour son exquise courtoisie a prouvé tout au long de sa carrière qu'il n'hésitait pas à mettre les mains dans le cambouis, quitte à prendre des décisions difficiles lorsqu'elles s'imposaient. Bien qu'il arrive avec un capital sympathie assez exceptionnel, celui que les salariés de Renault surnommaient amicalement Loulou, a aussi la réputation d'être strict, voire rigide parfois. Il est difficile de savoir ce qu'il pense vraiment derrière ses grosses lunettes. Jamais de triomphalisme, toujours beaucoup d'humilité. En apparence du moins. Mais au fond, l'homme n'est nullement modeste.REDUIRE LES PERTES ESTIMEES A 25 MILLIONS D'EUROS EN 2007En se portant comme candidat, il fait preuve à la fois d'un certain sens du devoir, mais aimerait aussi prouver que lui saura réussir là où d'autres ont échoué. Outre l'endettement, il s'agira de faire vite des économies pour réduire les pertes estimées à 25 millions d'euros en 2007. Pour 2008, le groupe de presse veut réaliser entre 10 et 12 millions d'euros d'économie. Un plan de départ volontaire devrait d'ailleurs être prochainement annoncé, vraisemblablement fin février ou début mars. Il pourrait concerner une centaine de salariés sur les 1.750 employés par le groupe.Il lui faudra aussi trancher sur le réel périmètre du groupe qui comprend outre le Monde, le Monde diplomatique, Courrier international, Télérama, le groupe la Vie, les éditions Fleurus. Il lui faudra surtout savoir ramener la paix dans un groupe déchiré par des mois, voire des années de guerre intestine.
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