Mike Turner a donné à BAE la nationalité américaine

Après six ans et demi passés à la tête de BAE Systems, Mike Turner peut s'en aller tranquille. Alors qu'il doit laisser les rênes du groupe le mois prochain, le nom de son successeur a finalement été annoncé en fin de semaine dernière. Contrairement à ce qui avait été évoqué un temps, ce sera finalement un homme du sérail. Ian King, jusqu'ici directeur opérationnel du groupe, qui prendra officiellement ses fonctions à compter du 1er septembre, a rejoint le groupe en 1999 à l'occasion de la fusion avec Marconi.Pour le reste, la retraite anticipée de l'emblématique patron de BAE ne devrait pas être aussi tranquille que cela. Car son départ annoncé à l'automne dernier a été précipité par des allégations de corruption dans le contrat d'armement Al-Yamamah (de 43 milliards de livre) signé entre le Royaume-Uni et l'Arabie Saoudite. Si les investigations sur cette affaire ont tourné court outre-Manche, le dossier a été repris de l'autre côté de l'Atlantique par le département américain de la Justice. À ce titre, Mike Turner avait eu la mauvaise surprise en mai de se faire cueillir à sa descente d'avion à Houston par les autorités américaines. Réquisition des dossiers, fouille des ordinateurs...PRAGMATIQUEUn revers pour cet homme qui a justement contribué à faire de son groupe le plus américain des acteurs européens de la défense. Un rêve caressé avec plusieurs années de retard par EADS ou Thales à l'heure où l'euro fort leur rogne les marges. Mike Turner visionnaire ? Non. Plutôt pragmatique. À l'époque où il est propulsé directeur général de BAE Systems en 2002, le groupe traverse une mauvaise passe. Une année noire devrait-on dire. L'exercice se solde cette année-là par une perte de 686 millions de livres. Ce n'est que la partie émergée de l'iceberg. En coulisses, les retards s'accumulent. BAE Systems est voué aux gémonies par le MoD, le ministère britannique de la Défense, qui pointe du doigt des dépassements de coûts sur les programmes Astute (sous-marins) et Nimrod (avions de patrouille maritime). La punition ne tarde pas à tomber. Le MoD lui préfère Thales et EADS pour deux contrats britannique d'envergure.Le colérique Mike Turner rue dans les brancards et finit par retrouver grâce aux yeux du gouvernement. Désormais réconcilié avec son premier client, le patron de BAE Systems s'attaque à son principal défi : la conquête des États-Unis, premier marché mondial de la défense. Vaste programme. D'autant que, à l'époque, si le groupe parle d'acquisitions de l'autre côté de l'Atlantique, on le voit plus passer sous pavillon américain.Toutefois, l'idée d'un rachat d'envergure est abandonnée. L'expansion américaine de BAE Systems se fera dans un premier temps à coups de petites opérations. Jusqu'en 2005 où il acquiert pour 4,19 milliards de dollars United Defense, présent essentiellement dans l'armement terrestre. Et plus récemment, l'été dernier, avec le rachat pour 4,5 milliards de dollars d'Armor Holding. " On peut dire qu'en termes d'acquisitions il a eu le nez creux. Créer un groupe leader dans le matériel terrestre alors que ce n'était à l'épo que pas une plate-forme très recherchée, c'était risqué mais au final opportun avec les guerres en Afghanistan et en Irak ", commente Harald Liberge-Dondoux, analyste au CM-CIC. Mike Turner a réussi son pari. Alors que BAE Systems ne réalisait que 23 % de son chiffre d'affaires aux États-Unis en 2000, son activité y dépasse désormais 50 %.ALLER LA OU IL Y A DE L'ARGENTSon empreinte, il la laissera aussi en faisant sortir son groupe du secteur de l'aéronautique, jugé trop cyclique. Cela se traduit concrètement par la vente en 2006 des 20 % que le groupe de défense détient dans Airbus. À cette époque, le ralentissement attendu dans le secteur aéronautique et les retards annoncés sur l'A380 obligent à brader le prix. Qu'importe. Mike Turner le pragmatique suit sa logique : aller là où il y a de l'argent. Une philosophie qui lui a finalement réussi.Ce jeune retraité de 60 printemps, père de quatre enfants, supporter inconditionnel des " Reds " de Manchester United et amateur de voile, est parvenu en quelques années à pénétrer la forteresse américaine de la défense, réputée imprenable. Son groupe est désormais le seul prime contractor significatif non américain du Pentagone et par ailleurs le numéro deux mondial de la défense derrière Lockheed Martin. Une stratégie d'autant plus payante que, parallèlement, en Bourse, son cours a été multiplié par plus de 4 en l'espace de cinq ans.ParcoursNé à Manchester en 1948, il est diplômé de la Didsbury Technical High School et de l'École polytechnique de Manchester, dont il sort diplômé en 1970 avec les honneurs. Il intègre en 1978 ce qui allait devenir British Aerospace et gravit rapidement les échelons en interne. En 1994, il devient directeur commercial de la branche aéronautique avant de chapoter celle de la défense à partir de 1996. Lors de la naissance de BAE en 1999, suite au rapprochement avec Marconi, il est nommé directeur opérationnel jusqu'en 2002 pour devenir ensuite directeur général.
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