Contre le ralentissement économi que, Chirac prêche la confiance

Confiance », telle semble être la clé de la conjoncture en 1996. La croissance n'est pas seulement affaire de taux d'intérêt ou de carnets de commandes. La possibilité de se projeter dans l'avenir, de prendre des initiatives qui engagent dans la durée constituent les véritables moteurs de l'activité. Or, l'actuelle déprime des ménages et des chefs d'entreprise traduit un rétrécissement de l'horizon, néfaste dans une économie libérale. Jacques Chirac l'a bien compris. S'affirmant « sûr de notre avenir », il a repris, à l'occasion de la présentation de ses voeux de nouvel an, le refrain de la confiance que martèle le gouvernement depuis plusieurs semaines. « Pour 1996, beaucoup dépend de nous. La croissance, qui crée des emplois sera aussi ce que nous en ferons. La croissance, c'est d'abord la confiance, confiance en nos initiatives, confiance en nos efforts », a ainsi déclaré le président de la République. Une confiance qui risque d'être encore différée par l'avalanche des hausses traditionnelles (tabacs, carburants, tarifs publics) et non traditionnelles liées au plan de réforme de la Sécurité sociale (RDS, cotisation maladie des retraités et des chômeurs, prélèvements sectoriels) qui va s'abattre sur les Français ce mois-ci. Seul espoir : que les Français puisent dans leurs économies Il faut dire que jamais le moral des ménages ne s'était effondré aussi brutalement. « Ce qui a changé pour les Français depuis le début de l'été, ce n'est pas seulement l'évolution des prix, de leur pouvoir d'achat et du chômage, c'est aussi et sans doute surtout leur vision de l'avenir », analyse Claude Fontaine dans le dernier numéro des Chroniques économiques de la Sedeis. Les à-coups de la politique économique, l'incertitude autour des réformes et des prélèvements à venir, le ralentissement des créations d'emplois puis la remontée du chômage, qui pourrait se poursuivre jusqu'au milieu de l'année, ont lourdement affecté le moral des Français. Symptomatique de cette déprime, le taux d'épargne des ménages plafonne à son plus haut niveau depuis une dizaine d'année - à plus de 14 % de leur revenu disponible. Recul de l'emploi, ponction fiscale supplémentaire, le pouvoir d'achat des Français stagnera au premier semestre, selon l'Insee. La consommation, atone depuis plusieurs mois, resterait étale jusqu'à la mi-1996. Le principal moteur de la croissance - la consommation représente 60 % du PIB - est donc en panne. Seul espoir : que les Français puisent dans leurs économies pour consommer. D'où la batterie de mesures annoncées à l'issue du sommet social pour relancer la consommation. Mais, comme le souligne l'Union des industrie métallurgiques et minières (UIMM) dans sa lettre de décembre, « la confiance ne se demande pas, (...) ne s'octroie pas, (...) on ne l'achète pas », elle « se crée » : « il faut donner le sentiment aux citoyens que l'on sait où l'on va et comment y aller. » D'autant que la paix sociale n'est pas assurée. Marc Blondel a prédit (voir La Tribune du 27 décembre) que lorsque « les prélèvements vont tomber, fin janvier, il y aura un réveil des revendications ». Un redémarrage de la consommation tiendrait donc du miracle. Le problème, c'est que tous les autres moteurs de l'expansion tournent au ralenti. La production manufacturière est passée d'une croissance d'environ 10 % en glissement annuel fin 1994 à un rythme proche de zéro à la fin de l'automne. Confrontées à une demande apathique, les entreprises n'accroîtraient que modérément leurs investissements. Pour l'heure, difficile d'imaginer que le salut puisse venir de l'étranger. Les économies européennes, qui absorbent 60 % de nos exportations, connaissent également un net ralentissement. Comme le souligne le Centre d'observation économique (COE), « une des orientations communes au sein du Vieux Continent est le caractère restrictif des politiques budgétaires, ce qui pèse sur les composantes internes de la croissance, en particulier la consommation des ménages ». Les exportations françaises pâtiront de ce ralentissement que ne compensera pas l'économie américaine en décélération. Le salut viendra-t-il de la baisse des taux d'intérêt ? La poursuite de l'assouplissement de la politique monétaire permettrait d'amortir en partie les effets restrictifs de la hausse des prélèvements obligatoires. Mais les effets ne se feront sentir que dans deux ou trois trimestres. Et, pour que les effets restrictifs du plan Juppé soient entièrement compensés, il faut que la baisse des taux atteigne au moins deux points d'ici à fin 1997, selon le COE. La route est donc encore longue, la Banque de France n'ayant pour l'instant réduit que d'un quart de point son taux d'appel d'offres. Au total, les prévisions de croissance pour 1996 ne sont guère brillantes : elles varient de 1 % pour les plus pessimistes à 2,4 % pour les plus optimistes. XAVIER HAREL
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