Paribas à l'épreuve de la mise en examen de son président

PARIBAS a confirmé vendredi avoir été informé de l'intention du juge Eva Joly de mettre en examen André Lévy-Lang, président de son directoire, notamment pour complicité de présentation de comptes annuels inexacts et divulgation de fausses informations dans le cadre du dossier Ciments Français (voir La Tribune du 29 décembre). Cette décision n'a provoqué de la part du groupe et de son président aucun commentaire. Tombée aux tous derniers jours de l'année, elle vient rallonger encore la liste déjà fournie de grands patrons français touchés par la même procédure, de Guy Dejouany (Générale des Eaux) à Gérard Mulliez (Auchan), en passant par Martin Bouygues. Reste que plus que tout autre secteur, celui des « investment banks » dont se réclame Paribas, fait partie des domaines où un accident judiciaire peut se révéler très délicat à gérer compte tenu du degré poussé d'internationalisation de la banque, et notamment sa forte présence sur les marchés anglo-saxons très sensibles à ces affaires. Sans doute, rares étaient ces derniers mois les analyses sur Paribas qui omettaient de tenir en compte ce risque judiciaire. Le repli, somme toute limité de 2 % vendredi, du titre paraît confirmer que cette éventualité était déjà prise en compte par les marchés. Et la Rue d'Antin de préciser aussitôt que « la totalité des conséquences financières des opérations de portage délibérément dissimulées par le président des Ciments Français de l'époque à son conseil d'administration, à ses commissaires aux comptes et à ses actionnaires ont déjà été prises en compte dans les résultats des exercices 1992 et 1993 de Paribas, au fur et à mesure de leur évaluation ». Alors qu'il devrait rencontrer dans les prochains jours le juge, André Lévy-Lang a fait savoir dans la maison qu'à moins de cas de force majeure, cet événement ne l'empêchera pas de rester aux commandes du groupe. Et d'expliquer que la décision du juge à son égard n'avait que valeur d'acte interrogatoire et non de décision conduisant à prouver sa culpabilité. Le président de Paribas peut se référer au précédent de Marc Viénot, président de la Société Générale, que son inculpation en avril 1992, pour des achats de titres Société Générale par sa propre banque durant l'été 1988, n'a pas empêché de se maintenir à la tête de l'établissement. Un net repli de la rentabilité en septembre Reste que cet épisode judiciaire qui affecte son président ne tombe sans doute pas au meilleur moment pour Paribas, en risquant de reposer la question du contrôle des décisions. De plus, le groupe a annoncé en septembre un très net repli de sa rentabilité, et son état-major est soumis à une forte pression des actionnaires qui auraient tendance à prendre du champ. Sans doute, André Lévy-Lang, depuis son accession à sa tête, n'a pas ménagé ses efforts pour recentrer Paribas. La Banque Paribas est aujourd'hui spécialisée sur un nombre précis de métiers et réorganisée au prix de la disparition des baronnies. En matière de participations industrielles, les dossiers du type Fives-Lille ou Scoa ont été pris à bras le corps. En revanche, les choix ont été retardés en matière d'immobilier et de banque commerciale (Crédit du Nord), laissant penser que la nomination de François Henrot à la tête du conseil de surveillance de cette banque traduit la volonté de rattraper les choses. Après cinq années de recentrage, le redressement de la rentabilité de Paribas n'est donc toujours pas au rendez-vous. Une situation qui rejaillit directement sur le cours en Bourse qui a perdu près de 25 % de sa valeur l'an dernier. D'où les interrogations réactivées sur la place : ce cumul de mauvaises nouvelles va-t-il accélérer le règlement des dossiers, et pousser le groupe à opérer à chaud de nouveaux arbitrages dans ses activités ? Le dossier de la Navigation Mixte apparaît comme l'un des principaux piliers du plan de redéploiement du groupe, tant pour améliorer sa situation financière, que pour réorganiser, si nécessaire, le capital de la compagnie. Là encore, André Lévy-Lang avait réussi en juin dernier un coup de maître en délogeant Marc Fournier de la présidence de la Mixte. L'essai est toutefois resté sans lendemain, sachant qu'aujourd'hui le nouveau président de la Mixte est le premier actionnaire de Paribas et le dernier à consolider ses comptes. Et sa récente prestation, excluant tout démantèlement du holding, mais ne donnant pas pour autant d'idée sur sa future stratégie n'est pas pour rassurer. Ph. R.
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