"Les distributeurs peuvent à présent se concurrencer entre eux"

La réforme de la loi Galland vient d'entrer en vigueur. Quelle en sera sa principale conséquence ?- Il nous importait d'abord de sortir d'un certain nombre de dérives un peu perverses de la loi Galland et essentiellement du fait que les facturations des distributeurs ne correspondaient pas toujours à des prestations strictement commerciales liées aux marques. Les distributeurs doivent aujourd'hui apporter la preuve des dépenses promotionnelles qu'ils facturent aux industriels. L'existence de la sanction pénale, même si nous ne souhaitons pas voir nos clients devant les tribunaux, est la garantie que le rapport de force commercial ne se fera pas au détriment de la loi. Rappelons en effet que la France compte 7 grandes centrales d'achat et quelque 25.000 industriels de grande consommation. Deuxième élément : les distributeurs peuvent à présent se concurrencer entre eux. La seule et grande question qui se pose est de savoir finalement qui paiera la baisse des prix. Dans leur esprit, la majorité des distributeurs n'envisagent pas que cette baisse se fasse sur leurs marges, mais aux frais de l'industriel. Le fond du débat repose là-dessus.Dans ce contexte, comment se déroulent les relations commerciales ?- Il faut être extrêmement prudent sur les relations commerciales. Elles se déroulent de décembre à février. Comme la loi est sortie récemment, nous avons tendance à être beaucoup plus attentifs sur ces négociations que les autres années. Or, les négociations se terminent le 15 février, et il faut attendre cette date pour voir clair. Tout le monde n'a pas encore trouvé ses marques par rapport à ces nouveaux dispositifs législatifs. Et les premières négociations sont difficiles. Mais elles le sont chaque année. Je n'ai d'ailleurs pas le sentiment qu'il y a plus de tensions aujourd'hui qu'il n'y en avait l'an dernier ou deux ans auparavant. Des accords ont même déjà été signés, plutôt plus en avance que les années passées. Simplement, c'est plus compliqué. Le fait d'avoir eu une année 2005 difficile en termes de consommation ne facilite pas non plus les choses.Quels sont les chiffres dont vous disposez ?- C'est très variable d'un secteur à l'autre, mais nous sommes plutôt en stagnation d'une année sur l'autre, voire en négatif dans certains secteurs, sur les douze derniers mois. Cependant, nous avons volontairement baissé les prix de 3 % de septembre 2004 à octobre 2005, suite à la mise en place des accords Sarkozy. On dit que l'industrie et le commerce ne travaillent pas ensemble, mais nous nous sommes entendus pour faire baisser les prix, dans une période extrêmement morose de la consommation, ce qui est très positif. Nous espérions tous d'ailleurs que ces baisses stimuleraient la reprise, ce qui n'a pas été le cas.Les distributeurs accusent certains grands industriels de vouloir contrecarrer le mouvement général de baisse des prix en imposant des hausses tarifaires importantes...- Au niveau de l'alimentaire, et sur les indications qui nous ont été transmises, les augmentations de prix semblent rester basses et tourner autour de l'inflation et d'une manière plus générale entre 0 et 5 %. En effet, si un produit de marque a une vraie valeur ajoutée, c'est-à-dire qu'il a fait l'objet d'un effort de développement, d'un investissement important en matière de recherche, qu'il a une originalité produit et une spécificité packaging, il est normal qu'il soit vendu plus cher que d'autres types de produits, sinon le consommateur ne comprend plus rien. Nous avons eu également de fortes augmentations des matières premières, dues au pétrole, qui n'ont été répercutées que partiellement. Je tiens enfin à rappeler que la loi Dutreil n'est pas une loi sur les prix, contrairement à ce que laisse entendre le ministre du Commerce, Renaud Dutreil, mais une loi régissant les rapports entre industriels et distributeurs. Si le gouvernement voulait avoir une action concertée sur la baisse des prix, il fallait à nouveau instituer un contrôle des prix, ce que personne ne souhaite a priori.Estimez-vous néanmoins que les prix des grandes marques pourraient diminuer en 2006 ?- Je ne sais pas. Cela va dépendre beaucoup des distributeurs qui, indépendamment du prix du produit vendu par un industriel, ont le prix de vente au consommateur entre leurs mains. Encore faut-il, au moment où ils veulent dynamiser leur vente par la concurrence et que la loi leur en donne maintenant les moyens, qu'ils acceptent de faire des efforts sur leurs marges ; sinon, le système ne marchera jamais. La baisse de prix sur les 12 derniers mois a déjà été financée à 50 % par les industriels, voire dans certains cas à 100 %.Le ministre du Commerce a dénoncé récemment la hausse des prix des grandes marques sur la fin 2005. Qu'en pensez-vous ?- Il n'est pas de la responsabilité de l'État de s'immiscer dans les négociations industrie/commerce. Renaud Dutreil souhaite comme nous que les prix baissent. Mais la relation offre/demande doit jouer pleinement.L'administration a tout de même un rôle plus important dans le cadre de la loi Dutreil...- Elle a un rôle de contrôle et d'application de la loi, ce qui est différent. Nous sommes dans un système concurrentiel déséquilibré. Il faut donc une loi qui fixe les règles du jeu. Les contrôles de la DGCCRF sont là uniquement pour sanctionner les éventuelles infractions.Qu'avez-vous pensé de l'amende de 23 millions d'euros pour fausse coopération commerciale infligée récemment à Leclerc ?- Pour les industriels dont le chiffre d'affaires dépend de quelques distributeurs, engager une action personnelle contre leurs clients est un peu difficile s'ils veulent maintenir leur chiffre d'affaires et leur volume d'activité avec lui. Dans le cas de Leclerc, c'est sur une initiative de la DGCCRF qu'il y a eu des poursuites. Mais si les jugements définitifs constatent que des sommes payées ont été indirectement perçues par le distributeur, il n'y a aucune raison que les fournisseurs ne puissent pas les récupérer. Par ailleurs, la DGCCRF indique que les contrôles sur l'application de la loi Dutreil seront l'une de ses priorités de l'année. Nous étudierons effectivement la possibilité, dans un certain nombre de cas, d'intervenir en justice au côté des pouvoirs publics.Propos recueillis par Ingrid Seithume
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