Daniel Buren investit le musée Guggenheim

Daniel Buren ne veut pas parler de revanche. Près de trente-cinq ans après avoir été évincé du musée Guggenheim à New York par les artistes qui y exposaient avec lui sous prétexte qu'il les gênait, l'artiste français investit à soixante-sept ans l'espace à lui tout seul. Et quel espace ! La rotonde, créée par l'architecte Frank Lloyd Wright, s'est muée en une spirale printanière qui monte vers l'Oeil du cyclone, titre de l'oeuvre qu'il expose.La marque de Buren est bien là : au-delà d'un mur de peintures - vingt de ses tableaux à rayures - dans la galerie du premier étage, ce sont de petits rectangles vert printemps, collés à espace régulier au haut du mur, façon pellicule cinématographique, qui guident le visiteur le long de l'allée en spirale jusqu'en haut de l'édifice. L'artiste y a habillé l'ogive, oeil-de-boeuf ouvrant sur le ciel, de grands rectangles de gomme, les uns transparents, les autres parme. Buren joue évidemment surtout avec l'espace, énorme et vide - les expositions temporaires du musée ont disparu - de la rotonde, en le coupant en deux par le biais d'un cube, à deux côtés seulement, baptisé Around the Corner et couvert de miroirs. Ce demi-cube s'impose dans la rotonde et brise, mais aussi multiplie, l'effet de la création. En montant vers l'Oeil du cyclone, le visiteur passe alternativement de la pénombre à la lumière, à mesure que les échafaudages en bois d'un côté et miroitant de l'autre, éclairent ou assombrissent ses pas.Une démarche radicale. C'est donc une fois de plus in situ, en profitant de l'architecture de l'édifice, que Buren s'exprime. "Je n'ai pas de message, avoue l'artiste à La Tribune, les choses sont à voir, à appréhender selon chacun. Toutes les interprétations sont possibles." Certains critiques, comme celui du New York Times qui consacrait le jour de l'ouverture un long article à l'exposition, estiment sans ironie apparente que Buren a voulu Versailles et sa galerie des Glaces pour le Guggenheim. "La démarche, radicale, de l'art contemporain peut rester difficile pour le public", avance pour sa part l'artiste française Orlan, présente pour l'occasion. Mais à voir le phénomène socioculturel qui a frappé New York il y a quelques semaines avec l'exposition "Les Portiques" de Christo et Jeanne Claude dans Central Park, il est probable que l'oeuvre de Buren, qu'elle plaise ou non, fasse courir le tout-New York.L'artiste n'en est pas à une critique près. Ses oeuvres, telles les Cabanes éclatées débutées au milieu des années 70, ou plus récemment Le musée qui n'existait pas, sans parler des fameuses colonnes du Palais-Royal, ne laissent personne indifférent. Elles ont en tout cas séduit les sponsors de l'exposition de New York, principalement Pernod-Ricard et l'Association française d'action artistique, pour lesquels il n'y a pas meilleur moyen, pour oeuvrer aux échanges franco-américains, que de permettre la consécration d'un artiste français outre-Atlantique.Lysiane J. Baudu, à New York"The Eye of the Storm : Works in situ", de Daniel Buren. Du 25 mars au 8 juin 2005 au Guggenheim Museum, 1071 Fifth Avenue, New York.
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