Frères ennemis irlandais

On connaît les sympathies de Ken Loach pour l'extrême gauche. Et sa haine pour tout compromis, pour tout ce qu'il considère comme une trahison de l'idéal révolutionnaire au profit de la "real politik". Habitué du Festival de Cannes, où il a obtenu le prix du jury en 1990 pour Hidden Agenda, il y revient depuis avec chacun de ses films. Le thème de la lutte fratricide à l'intérieur d'un mouvement révolutionnaire, il l'avait déjà abordé dans Land and Freedom, sur la guerre d'Espagne (1995). Cette fois, il s'agit de la guerre d'indépendance d'Irlande, en 1920, dans le sud profond de l'île, du côté de Cork. Le vent se lève est l'histoire tragique de deux frères qui combattent côte à côte contre les Anglais avant de s'entre-déchirer. Vieux comme la Bible, ce scénario des deux frères ennemis, servi par des acteurs irlandais, est incarné dans des êtres vivants, aimants et souffrants, loin des clichés et des icônes politiques sans chair.Damien (Cillian Murphy), le cadet, est médecin et s'apprête à se rendre à Londres poursuivre une carrière brillante. Ted (Padraic Delaney), l'aîné, a pris les armes contre les Anglais qui matent toute velléité d'indépendance. Mais sur le quai de la gare, un épisode tragique oblige Damien à rester sur son île natale. Et à s'engager aux côtés de son frère qu'il admire et qui a pris la tête des maquisards.Un cycle infernal. Commence alors le cycle infernal des embuscades et des représailles. Les choses commencent à se compliquer lorsque des traîtres se font jour parmi les Irlandais et qu'un "nettoyage" s'impose. Un gentleman-farmer, informé par son garçon de ferme, a dénoncé Ted aux Anglais et il revient à Damien d'exécuter les deux traîtres. Ce qui ne se fait pas sans peine pour un médecin formé à respecter la vie.La liesse générale fait long feu lorsqu'un traité est signé qui consacre la partition de l'Irlande et accorde une autonomie toute relative à celle du Sud. Les combattants doivent rendre les armes et prêter allégeance au roi d'Angleterre. Ce qui est loin de faire l'unanimité. Tandis qu'en chaire le curé de la paroisse prêche la fin de la violence, des républicains reprennent le maquis. C'est le cas de Damien, qui ne se satisfait pas du nouvel ordre social, irlandais certes, mais bourgeois, alors que son frère, l'ancien "meneur", s'est rangé du côté des "réalistes" du gouvernement d'Irlande du Sud. Où l'on voit que la nationalité n'est pas tout.Noël Tinazzi, à Canne
Commentaire 0

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

Il n'y a actuellement aucun commentaire concernant cet article.
Soyez le premier à donner votre avis !

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.