J.-M. Sander et J.-P. Chifflet : " Refuser la réforme, c'est accepter la poursuite de la crise du logement "

En théorie, il est possible, dès aujourd'hui, de voir le livret A distribué par tout organisme financier. Êtes-vous satisfait ?Jean-Marie Sander. Il est temps de passer à l'acte ! Tant que la réforme du livret A ne sera pas effective - et le privilège des actuels établissements distributeurs aboli -, il existe un double préjudice, et d'abord pour tous ceux qui attendent un logement social. Refuser cette réforme, c'est accepter la poursuite de la crise du logement ! Le second préjudice est d'ordre concurrentiel, au détriment des banques en général et du Crédit Agricole en particulier, car le régime actuel de distribution du livret A constitue un privilège réel auquel la Commission européenne a décidé le 11 mai de mettre fin. Je rappelle au passage qu'un certain nombre de recours ont été présentés devant différentes juridictions, notamment européennes. Il serait dommage que ce contentieux subsiste le 1er juillet prochain quand la France prendra la présidence de l'Union. Comment expliquez-vous la colère de ceux qui s'opposent à la banalisation du livret A ?J.-M. S. Est-on ravi lorsque l'on va perdre un avantage ? Mais je trouve inadmissible que ceux qui dénoncent dans la rue la crise du logement social s'emploient, dans le même temps, à stigmatiser en bloc le rapport Camdessus et les mécanismes de financement qu'il propose. Le rapport Camdessus préconise un taux de commissionnement de 0,4 %. Mme Lagarde a confirmé ce taux la semaine dernière en présentant son projet. Distribuerez-vous un livret avec cette marge ?Jean-Paul Chifflet. Nous avions proposé un taux de 0,8 %, soit une baisse très importante par rapport à la rémunération actuelle des réseaux distributeurs des livrets A et Bleu, qui s'établit en moyenne à 1,12 % ! Notre proposition permet une économie immédiate sur le coût de la collecte de près de 400 millions d'euros, immédiatement disponibles pour la construction. Le taux de 0,4 % qui nous est proposé n'est pas enthousiasmant, surtout pour un réseau comme le nôtre qui a fait le choix de la présence partout sur le territoire, y compris dans les zones rurales les plus déshéritées, sans bénéficier d'aucune compensation et sans faire de chantage à l'emploi. Le rapport Camdessus prévoit un régime de transition pour la seule Banque Postale. Les Caisses d'Épargne plaident pour en bénéficier. Qu'en pensez-vous ?J.-M. S. Si les Caisses d'Épargne ont déposé la marque livret A en 1999, c'est qu'elles anticipaient déjà la fin de leur privilège de distribution, confirmé de surcroît par Bruxelles il y a neuf mois. S'agissant de leur revendication d'une transition, rappelons que, à la différence de la Banque Postale, la Caisse d'Épargne est une banque universelle, présente dans tous les métiers et sur les marchés grâce à une grande filiale cotée en Bourse. Au nom de quel principe devrait-elle continuer à bénéficier d'un privilège de distribution qui lui procure, avec une commission de 1 %, une véritable rente, à rapporter au 0,4 % que l'on nous propose ? Par ailleurs, le livret A de l'Écureuil n'est pas du tout le même, réglementairement, que celui de La Poste. À la Caisse d'Épargne, le livret A est un produit d'épargne banalisé, il a été dématérialisé et sera, du jour au lendemain, un produit d'épargne pur. S'agissant de la Banque Postale, ses dirigeants connaissent parfaitement notre point de vue, respectueux des contraintes qui sont celles du livret A spécifique qu'ils distribuent, avec des particularités telles que le service de caisse à partir de 1,5 euro, ce qui justifie que la Banque Postale seule bénéficie d'une transition de cinq ans pour s'adapter. Que répondez-vous à ceux qui craignent un " siphonage " du livret A au profit d'autres produits ?J.-P. C. Je retourne la question : pourquoi personne n'a craint le siphonage dans les trois établissements distribuant les livrets A et Bleu tout en offrant la gamme la plus large d'autres produits financiers ? Veut-on faire croire que certains sont plus vertueux que d'autres ? Au-delà de la polémique, à partir du moment où il y aura davantage de réseaux collecteurs, il y aura plus de livrets A distribués et donc un volume de collecte supérieur. Le rapport Camdessus évoque la mission d'accessibilité bancaire remplie par le livret A. Christine Lagarde a indiqué la semaine dernière qu'elle souhaitait la création d'un livret A pour les exclus. Quelle est votre réaction ?J.-M. S. Nous progressons dans la recherche de solutions réalistes et équitables. En effet, il existe aujourd'hui une confusion, soigneusement entretenue par certains défenseurs du privilège, entre le service bancaire apporté aux catégories les plus modestes, dans des conditions normales, et le recours au livret A comme à un quasi-compte à vue par des personnes vivant des situations difficiles, victimes du chômage de très longue durée, parfois sans domicile fixe ou sans papiers. Nous sommes alors face à une question qui relève de la solidarité nationale et d'un dispositif spécifique, par exemple, un livret adapté. Quelle est votre offre bancaire à l'égard de la population la plus modeste ?J.-P. C. Les clients les plus modestes, ceux qui ont moins de 1.000 euros de revenu mensuel, se répartissent de la façon suivante : 31,3 % au Crédit Agricole, 32,3 % à la Banque Postale et 27,3 % aux Caisses d'Épargne, c'est dire ! S'agissant des produits, au Crédit Agricole, nous distribuons une gamme, baptisée Prélude, qui comporte une carte à autorisation systématique ajoutée à d'autres services de base. Le tout pour 2,90 euros par mois, soit moins que l'offre comparable de la Banque Postale et des Caisses d'Épargne qui sont à 3 euros. Nous avons déjà ouvert près de 300.000 comptes de ce type. Enfin, le Crédit Agricole est engagé auprès des personnes qui connaissent des accidents de la vie et des difficultés et que nous soutenons dans leur effort pour se remettre en selle dans nos Points Passerelle. propos recueillis par guénaëlle le solleu et hélène mazie
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