La réalité virtuelle au secours des patients souffrant d'acouphènes

Les techniques de réalité virtuelle sont de plus en plus utilisées dans le domaine de la santé pour la thérapie des phobies. Le patient est coffé d'un casque qui projette devant ses yeux une scène conçue à partir d'images de synthèse. Des caméras analysent tous ses mouvements pour adapter les images virtuelles à son champ de vision. Dans ce type d'usages, la simulation est essentiellement visuelle, l'ambiance sonore étant souvent négligée. Avec les travaux du professeur Alain Londero, la réalité virtuelle prend une autre dimension. Cet ORL à l'Hôpital européen Georges Pompidou à Paris est spécialisé dans le traitement des acouphènes, ces sons parasites qui peuvent provoquer une gêne insoutenable. La prise en charge est délicate car dans le cas d'un acouphène subjectif seul le patient le perçoit et le médecin ne peut que l'aider à vivre avec ce handicap. « L'acouphène est un dysfonctionnement cérébral. Le cerveau remplit les creux : en cas de perte auditive sur certaines fréquences, il compense ce manque en créant une ?illusion auditive'. La majorité des patients souffrent encore d'acouphène même après avoir été opérés de l'oreille pour provoquer une surdité complète », explique Alain Londero. D'où l'idée de tromper le cerveau en lui donnant à analyser des informations erronées. Le médecin s'est inspiré des expériences de réalité virtuelle pour traiter des syndromes douloureux après l'amputation d'un bras. « Le phénomène de l'acouphène est souvent associé à une perte auditive, d'où cette analogie avec des patients qui ont perdu un membre », observe-t-il. La thérapie proposée utilise un avatar sonore et visuel de l'acouphène que le patient manipule lui-même. Les chercheurs de l'Ircam (Institut de recherche en acoustique et musique) ont été associés à l'étude. « Nous savons parfaitement recréer un univers sonore en 3D à travers un casque dans lequel on simule les différents angles de propagations des sons », explique Olivier Warusfel, chef de l'équipe Espaces acoustiques et cognitifs à l'Ircam. Dans un dispositif de réalité virtuelle, la position du casque (et donc de la tête) est en permanence « trackée » afin d'adapter la perception des sons.Pas encore un traitementPour cette étude, le patient recrée lui-même le son qui le perturbe grâce à un logiciel qui synthétise les sons. L'avatar de l'acouphène est matérialisé par une baguette équipée d'un marqueur infra-rouge que le patient tient dans la main. Dans la scène virtuelle, ce son est symbolisé par une lumière que le patient déplace à sa guise pour faire varier l'intensité sonore. La thérapie imaginée par le médecin consiste à manipuler volontairement une « image sonore » de son acouphène dans de multiples situations réalistes pour favoriser la dissociation entre la perception de l'acouphène et sa représentation mentale. « Nous ne sommes qu'au stade de l'étude clinique. Ce n'est pas encore un traitement. Les premiers résultats auprès de plusieurs dizaines de patient montrent que le sentiment d'immersion est jugé satisfaisant et qu'il ne provoque pas d'état d'anxiété », observe Alain Londero.
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