Les Espagnols émigrent pour échapper à la crise

Cet hiver, l'Espagne a fermement défendu son triste titre de champion d'Europe du chômage. Avec un taux de 21,3 % à fin mars dernier, le chômage y est à son plus haut depuis 14 ans, mais surtout loin devant d'autres mauvais élèves dans l'Union européenne (UE) comme la Lituanie et la Lettonie (plus de 17 % de chômage). Avec bientôt cinq millions de personnes au chômage, l'Espagne risque d'exporter avant tout sa main d'oeuvre dans les pays de l'UE en mal de bras comme l'Autriche ou l'Allemagne (voir ci-contre). « Nous ne souffrons pas d'une fuite de cerveaux. L'Espagne est un pays qui attire les talents », avait déclaré la ministre de la Science et de l'Innovation, Cristina Garmendia en janvier dernier, alors que la presse affirmait que l'Allemagne préparait un plan pour attirer les jeunes diplômés espagnols. L'information, jamais confirmée officiellement, avait renforcé l'idée d'un exode massif des Espagnols attirés par les sirènes de l'étranger, véritable planche de salut des jeunes diplômés en mal d'emploi. « Cette information a été surévaluée. Nous n'avons pas noté de ruée vers l'Allemagne ces derniers mois », nuance Marta López-Tappero, responsable du département de mobilité internationale d'Adecco. Néanmoins, « on constate clairement une augmentation des Espagnols qui cherchent un emploi hors d'Espagne », reconnaît-elle. Selon un rapport de juin 2010 du groupe d'emploi intérimaire, plus de 110.000 Espagnols majeurs ont quitté leur pays à la recherche d'opportunités de travail à l'étranger entre 2008 et 2010. Ils étaient près de 100.000 de plus en mars 2011, selon le dernier recensement électoral officiel. Échapper À la précarité« Le détonateur de ce phénomène est la situation économique actuelle », affirme Marta López-Tappero. Après la récession de l'an dernier (le PIB reculant de 0,1 %), la ministre de l'Économie, Elena Salgado, prédit en effet seulement 1,3 % de croissance en 2011, la Banque d'Espagne évoque, elle, 0,8 % pour cette année. Le géant Telefonica a par exemple annoncé la suppression de plus de 6.000 postes en Espagne d'ici à 2013. « Les Espagnols recherchent à l'étranger des opportunités plus attractives non tant du point de vue de la rémunération que de celui de la qualité de vie », précise-t-elle. Ainsi, le syndicat des architectes espagnols (Sarq) informe que 73 % de ces professionnels envisagent de s'installer à l'étranger à cause, essentiellement, des conditions de travail précaires et du taux de chômage élevé. Les destinations privilégiées sont l'Allemagne, l'Angleterre et la France.« Le nombre d'Espagnols cherchant un emploi à l'étranger va encore augmenter pendant environ cinq ans, pas seulement à cause de la situation du marché du travail», analyse Marta López-Tappero. « Ce phénomène migratoire né de la nécessité de trouver de meilleures opportunités va se transformer en un choix plus culturel », abonde José Ramón Pin, économiste à l'IESE Business School.Gaëlle Lucas, à Madrid
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