Le ton monte entre industriels du plastique et chimistes

Coïncidence ou pénurie organisée ? Depuis quelques semaines, le torchon brûle entre les chimistes et les industriels de la plasturgie, fabricants d'emballages, de pièces automobiles ou de revêtements pour le bâtiment. « Depuis mars dernier, nos adhérents sont confrontés à des problèmes d'approvisionnement de la part de plusieurs chimistes. Ceux-ci invoquent des cas de ?force majeure?, cadre juridique qui leur permet de se désengager de leur devoir de livrer. Pour nous, le problème n'est pas conjoncturel mais structurel », assène Bruno Estienne, président de la Fédération de la plasturgie, qui regroupe la moitié des 4.000 sociétés hexagonales du secteur, en majorité des PME. Il cite le cas du polypropylène, utilisé dans l'automobile ou l'électroménager, qui représente le quart des volumes en France. « Certains industriels n'ont reçu que 30 % de leurs commandes ou ont vu leurs délais de livraison passés de deux semaines à trois mois. Les productions saisonnières ne pourront être rattrapées », détaille Bruno Estienne.À l'amende ? Les français, Total et Rhodia, mais aussi LyondellBasell, Ineos et le saoudien Sabic. Lettres envoyées par les chimistes à l'appui, Bruno Estienne dénonce « l'option stratégique qu'ils ont prise, d'ouvrir les capacités de production à la Chine ou au Moyen-Orient ». Autrement dit, ces groupes auraient délibérément choisi de réserver leur production, lente à redémarrer après les déstockages consécutifs à la crise de 2009, aux pays émergents. De quoi faire grimper des prix déjà élevés : « En un an, les tarifs du polypropylène ont grimpé de 70 % », souligne-t-il.Médiateur saisiUn temps réticents à s'exprimer, les chimistes récusent aujourd'hui en bloc ces arguments. « Pourquoi réserverions-nous notre production aux pays émergents alors que nous pouvons la vendre plus cher en Europe ? » fait valoir Michel Loubry, directeur général de Plastics Europe, le syndicat des producteurs de matière plastique. Les industriels confirment des dysfonctionnements en série. « Nous avons subi des problèmes techniques dans notre usine de polypropylène de Feluy, en Belgique, puis sur une pompe de pipeline. Les répercussions sur le redémarrage de l'activité peuvent prendre un certain temps. Mais pour nous, l'avenir de la production européenne est en Europe », assure-t-on chez Total Petrochemicals. Chez Rhodia, on explique avoir dû « faire face en octobre dernier à une forte baisse du niveau du Rhin qui a rendu difficiles les livraisons depuis notre usine de polyamide de Chalampé [Haut-Rhin], puis à la grève du fret SNCF. Et en mai et juin, nous avons arrêté l'usine pour maintenance ». Pour Michel Loubry, la solution tient en un mot : « les plasturgistes n'ont qu'à répercuter la situation de force majeure à leurs propres clients ». Les plasturgistes, eux, ont saisi le médiateur de l'industrie, Jean-Claude Volot. Et réclament une table ronde sur l'avenir de la filière si la pénurie se poursuit après l'été. Le bras de fer est engagé.
Commentaire 0

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

Il n'y a actuellement aucun commentaire concernant cet article.
Soyez le premier à donner votre avis !

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.