Auto-entrepreneur : est-il interdit d'entreprendre ?

En s\'attaquant à l\'auto-entrepreneur, créature imaginée par le libéral Hervé Novelli, secrétaire d\'Etat chargé du Commerce, de l\'Artisanat, des Pme et du Tourisme sous Sarkozy, le gouvernement porte un coup dur, si ce n\'est fatal, à la liberté d\'entreprendre dans notre pays...et à l\'espoir d\'une réussite individuelle. Ce statut lancé en janvier 2009 a été salué par un succès quasi insolent. En quelques mois des dizaines de milliers de Français se sont réveillés avec la fibre entrepreneuriale. Enfin nos hauts fonctionnaires, qui savent tout complexifier à merveille, donnaient naissance à un \"oani, \"objet administratif non identifié\", sorte de libre entreprise à l\'américaine, que nombre de Français appelaient en secret de leurs vœux. Mais voilà. Ce régime fiscal et social de \"faveur\" a vite été pris pour cible par des artisans jaloux qui clament à grands cris être trop ponctionnés et y voient une concurrence déloyale. Quoi, certains individus pourraient en toute impunité se mettre à proposer ici ou là des talents cachés dont ils espèrent tirer un petit revenu complémentaire, quand ce n\'est pas tout simplement pour les chômeurs l\'espoir de retrouver du travail par leur seule volonté et leur force de travail ? Sans passer leurs week end et leurs soirées à se noyer dans la paperasse ? Ce statut qui a pour particularité d\'associer le salariat et la libre entreprise, de \"travailler plus pour gagner plus\", symbole d\'un sarkozysme par trop libéral, doit tomber au champ d\'honneur de la rigueur budgétaire. Mauvais signalMais il est dommage de tuer dans l\'œuf l\'esprit d\'une liberté d\'entreprendre au moment où le chômage des jeunes et des seniors atteint des sommets. D\'autant qu\'il n\'y a pas de quoi s\'offusquer d\'exonérer de charges sociales une population de 1,1 million de personnes qui dégagent de si faibles revenus : trois ans près sa création neuf auto-entrepreneurs sur dix ne parviennent pas à dégager un revenu mensuel supérieur au SMIC. Seul un quart est parvenu à dégager un revenu continu relève l\'Insee. Et un auto-entrepreneur sur trois est un ex-chômeur, 40% d\'entre eux ambitionnant d\'assurer leur propre emploi. C\'est donc un mauvais signal lancé à l\'encontre de ceux prêt à se mobiliser pour retrouver un emploi. Du côté des clients des auto-entrepreneurs, il risque aussi d\'y avoir des déçus : ceux qui trouvent dans cette manne de travailleurs un \"petit\" service que beaucoup d\'artisans se refusent à faire. Qui n\'a pas fait l\'expérience de devoir faire intervenir chez lui un artisan du BTP pour une bricole et de se voir répondre que c\'est un trop \"petit\" chantier ? Ce n\'est donc pas du travail \"volé\" aux artisans mais plutôt des activités que beaucoup d\'entre eux négligent pour leur faible rentabilité. Preuve qu\'il y a du travail pour chaque niveau d\'intervention.Effet pyschologique désastreuxAu-delà du propos purement réaliste, sur le plan psychologique l\'effet d\'annonce de remanier un statut aussi jeune a de quoi être désastreux. On a souvent critiqué les Français pour leur penchant à l\'assistanat ou leur propension à la fraude. Ce système a l\'immense avantage d\'apporter un formel démenti à l\'un comme à l\'autre de ces reproches. S\'il a rencontré un tel succès aussi rapidement, c\'est qu\'il a bien démontré à quel point la lourdeur administrative et le poids des taxes constituaient des freins féroces. Même le Medef s\'en est emparé en octobre dernier pour le brandir comme la preuve éclatante d\'une \"révolution culturelle dans notre pays\", assurant que \" l\'auto-entrepreneuriat a brisé à lui seul l\'un des tabous les plus importants de notre pays en envisageant une porosité entre les statuts de salarié, fonctionnaire et d\'entrepreneur jusque-là impossible\". Ce régime représente aujourd\'hui 50% des créations d\'entreprises annuelles en France, génère près de 900 inscriptions quotidiennes et une contribution fiscale et sociale et annuelle de près de 1,2 milliards d\'euros. Dommage d\'attaquer en pleine crise économique une telle niche qui permettait à certains de regarder l\'avenir sans trop de nuages. Difficile dans ces conditions aussi peu solides pour un jeune ou un moins jeune, de se lancer dans une activité qui peut à tous moments se trouver déposséder de cette permission d\'entreprendre ! Un sondage KPMG France de Novembre 2010 montrait que près de la moitié des actifs comme des étudiants préfèrerait devenir chef d\'entreprise.\"No, we can\'t\"Maladresse d\'un gouvernement fraîchement arrivé au pouvoir qui, à l\'instar des nouvelles directions d\'entreprises, s\'échine à déconstruire ce qu\'avait bâti le précédent...et ce, quelque soit la pertinence de ce qui a été mis en place ? L\'envie d\'entreprendre ne s\'embarrasse cependant pas forcément d\'appartenance politique. Et l\'économie ne se résume pas à la seule gestion budgétaire. Par ce type de mesure, c\'est la psychologie des individus et la valeur qu\'ils mettent dans leur travail qui se trouve entamée. C\'est toute une croyance dans la réussite individuelle et la liberté d\'entreprendre qui est atteinte en plein cœur. Quand on sait que les Français craignent encore trop souvent l\'échec et classent le risque économique au premier rang de leurs inquiétudes, voilà encore de quoi refroidir ce que les américains nomme \"a leap of faith\", cet \"acte de foi\" qui permet de se lancer dans l\'aventure. Et c\'est aussi une querelle de chapelle que l\'on nourrit en divisant pour mieux régner. Que tous les coachs, qui tiennent à longueur de consultations des propos enthousiasmants sur la capacité de réussite de chacun, intègre ce coup de canif au statut d\'auto-entrepreneur comme une pilule amère à digérer par leurs clients. Que Madame Parisot, qui a demandé en juillet dernier au président Hollande d\'inscrire \"la liberté d\'entreprendre dans la constitution\", remonte au créneau....Pour éviter de faire du \"Yes we can\" d\'Obama, qui nous a tant fait rêver, un \"No we can\'t\" bien hexagonal. 
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