Impôt sur les sociétés : les enjeux de la convergence européenne

La Commission européenne a présenté mi-mars une proposition de directive prévoyant un système optionnel d'assiette commune consolidée pour l'impôt sur les sociétés (Accis) en alternative aux 27 régimes nationaux applicables. Selon ce système, les résultats fiscaux des sociétés désignées d'un groupe seraient agrégés et réattribués aux États membres en fonction de trois facteurs : main-d'oeuvre, immobilisations et chiffre d'affaires.Quelles sont les principales opportunités offertes aux groupes français ?La consolidation fiscale des entités de l'UE, sous contrôle direct ou indirect, permettant la compensation transfrontalière des déficits et l'élimination des problématiques prix de transfert via la comptabilisation des transactions au coût de revient. Le contrôle au sens Accis suppose une détention de plus de 50 % des droits de vote et 75 % du capital, soit un champ d'application plus large que celui du régime de droit interne (95 % requis), ce qui pourrait inciter un groupe français sans activité transnationale à opter pour ce régime. Par ailleurs, les retenues à la source sur transactions entre membres d'une même consolidation sont totalement supprimées, sans condition ni formalité contrairement aux exonérations actuelles applicables notamment aux dividendes et intérêts. L'exonération des dividendes et des produits de cession de participations sous réserve de la réintégration d'une quote-part de 5 % des coûts y afférents ou des coûts réellement engagés s'ils sont inférieurs. Cette exonération n'est pas une nouveauté pour les groupes français mais permet de réintroduire le plafonnement aux coûts réels supprimé en France par la dernière loi de finances ; en revanche, contrairement au régime interne, les coûts liés à l'acquisition ou à la cession de titres ne sont pas déductibles sous le régime Accis.Une meilleure neutralisation des restructurations transfrontalières, dont la neutralité fiscale n'est ainsi plus conditionnée, et des transferts d'actifs intragroupe, une telle neutralisation n'étant permise actuellement qu'au sein d'une intégration fiscale française.La déduction des charges financières versées à des entreprises associées (contrôle à plus de 20 %) résidentes de pays tiers ayant conclu un accord en matière d'échange d'informations par opposition aux règles françaises de sous-capitalisation.La déduction de toutes les provisions pour charges de retraite, les engagements retraite non externalisés n'étant pas déductibles en droit interne. Le principe de guichet unique. L'administration fiscale de l'État membre de résidence de la société mère du groupe devient l'unique interlocuteur du groupe. Il faudra toutefois observer la façon dont les administrations mettront en oeuvre la directive pour éviter notamment les recours contre les décisions de l'autorité principale en cas de redressement.L'intérêt de ce régime doit cependant être nuancé.Un système généralisé d'amortissement linéaire. Les sociétés françaises ne pourront plus bénéficier de la notion de durée d'usage ni des régimes d'amortissement accéléré, sauf circonstances exceptionnelles. Un amortissement a minima sur quinze ans pour toutes les immobilisations incorporelles est toutefois prévu ainsi qu'un système d'exonération des produits de cession d'immobilisations en cas de réinvestissement.Une renonciation au crédit d'impôt recherche sauf si la France permet aux sociétés françaises de continuer à en bénéficier sur leur quote-part de résultat. Le maintien des règles comptables nationales. L'harmonisation porte uniquement sur le calcul de l'assiette imposable. Les groupes devront donc tenir deux jeux de comptes, l'un conforme aux règles comptables applicables, l'autre visant à déterminer leur base taxable. La diminution des coûts de mise en conformité devra ainsi être mise en balance avec ces nouvelles contraintes.Une limitation de la déductibilité des impôts en matière de taxes locales et de taxes sur les salaires que la France a toutefois la faculté de lever.Des conditions de constitution des provisions renforcées.L'entrée en vigueur d'une telle directive nécessite l'unanimité des États membres en application de l'article 115 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne. À défaut, la procédure dite de « coopération renforcée » pourrait permettre à un minimum de neufs États membres d'adopter ce régime sans l'imposer aux autres États. Le commissaire européen chargé de la fiscalité, Algirdas ?emeta, a indiqué qu'il ne rejetterait pas la mise en oeuvre d'une telle procédure afin d'avancer rapidement sur le sujet puisqu'une transposition dans les législations nationales aux alentours de 2015-2016 est espérée par la Commission.Si l'harmonisation s'applique à l'assiette imposable, les taux d'imposition restent, eux, de la compétence souveraine des États membres, ce qui devrait certes attiser la concurrence fiscale entre États mais, à terme, favoriser une convergence de ces taux.Les entreprises qui opteront pour ce régime s'engageront pour une durée minimum de cinq exercices. Il leur appartiendra donc de déterminer si l'Accis leur est favorable. Selon les analyses d'impact réalisées pour la Commission européenne, la consolidation des pertes et la diminution des coûts de mise en conformité devraient permettre aux entreprises européennes d'économiser chaque année respectivement près de 1,3 milliard et 700 millions d'euros. Un argument pour nos entreprises françaises ?
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