Le grand retour des PDG

Les dissociations des fonctions de président du conseil et de directeur général semblaient avoir pris le pas ces dernières années au sein du CAC 40. Mais la saison 2010 des assemblées générales indique un net changement de tendance. Pas moins de quatre grandes entreprises, et non des moindres, ont en effet décidé de réunir les fonctions de président et de directeur général. Il s'agit d'Axa, Saint-Gobain, Total et Vinci. Loin de constituer une exception, ces décisions ont toutes les chances d'annoncer un mouvement de fond qui verrait le capitalisme français renouer avec la bonne vieille formule du président-directeur général.Certains observateurs avaient pu se féliciter de la progression des directions duales comme indicateur de la mise en pratique des codes de bonne gouvernance d'inspiration anglo-saxonne. Mais c'était sans doute ignorer les ressorts profonds du milieu des affaires français. Certes, la séparation des fonctions a été longtemps répandue en France avant que la figure du PDG n'émerge dans les années 1950 pour progressivement s'imposer. Mais elle n'a jamais été totalement abandonnée car elle permettait souvent de gérer facilement les enjeux de pouvoir. Que ce soit dans le cadre des rapprochements, du retrait de la famille propriétaire ou, plus souvent, d'une passation de pouvoirs entre l'ancien PDG et son dauphin, la séparation des fonctions permettait en effet de mieux répartir les rôles, de ménager des susceptibilités et de faciliter les départs à la retraite en douceur.L'essor, ces dernières années, des gouvernances duales au sein du CAC 40, répondait d'ailleurs, pour l'essentiel, à un vaste mouvement générationnel où les PDG nommés à la fin des années 1980 et dans les années 1990 ont laissé la place à leur successeur. Cette transition démographique a atteint son plein effet dans les années 2007-2008, où l'année 2007 voit pour la première fois les gouvernances duales passer devant les gouvernances unies et l'année 2008 marquer leur apogée (24 gouvernances duales contre 14 gouvernances unies). Mais, dès 2009, le mouvement commence à s'infléchir et à l'issue des assemblées générales de 2010, 18 sociétés du CAC 40 ont opté pour le statut de PDG (contre 20 sociétés pour une gouvernance duale). D'ici quelques années, pas moins de sept présidents du conseil sont appelés à quitter leur fonction. On pense notamment à Didier Lombard (France Télécome;lécom), qui devrait quitter ses fonctions au plus tard en 2011, et Henri Proglio, PDG d'EDF, qui s'est engagé à abandonner la présidence de Veolia d'ici la fin de l'année, mais aussi à Michel Pébereau (BNP Paribas), Lindsay Owen-Jones (L'Oréalcute;al), Henri Lachmann (Schneider), Gérard Mestrallet (au moins pour sa présidence de Suez Environnement) et Jean-René Fourtou (Vivendi).Or, dans ces différentes entreprises, il est fort à parier que l'actuel directeur exécutif ambitionne d'ajouter à ses fonctions la présidence du conseil. À moins qu'ils y soient contraints par une structure du capital particulière (famille propriétaire, société transnationale), les dirigeants exécutifs français tendent naturellement à concentrer les pouvoirs, ne serait-ce que pour mieux garantir leur position. Contrôler le conseil, c'est contrôler la direction exécutive. Or, dans un monde de plus en plus incertain, où les valeurs boursières auront du mal à retrouver les niveaux d'avant-crise, les dirigeants exécutifs auront certainement pour souci d'assurer leur position en prenant la présidence du conseil. C'est pourquoi on peut raisonnablement s'attendre à voir l'unification des fonctions redevenir le type de gouvernance dominant du CAC 40 ces prochaines années. (*) Auteurs de « les Grands Patrons en France. Du capitalisme d'État à la financiarisation ». Éditions Lignes de Repères, 2010.Point de vue François-Xavier Dudouet et Éric Grémont Chercheur au CNRS et président de l'Opesc (*)
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