Jean-Louis Beffa, le capitaine d'industrie, tire sa révérence

C'est une date symbolique dans l'histoire du capitalisme français. Jean-Louis Beffa, l'une des grandes figures de l'industrie, s'efface. Trois ans après avoir confié les clés de Saint-Gobain à Pierre-André de Chalendar, Jean-Louis Beffa lui passe définitivement la main. À l'issue de l'assemblée générale des actionnaires du groupe, ce jeudi, il deviendra simple administrateur. Après trente-six ans de bons et loyaux services.Homme d'une seule entreprise, Jean-Louis Beffa était entré chez Saint-Gobain en 1974, comme directeur du plan. Nommé PDG en janvier 1986, il hérite d'un groupe présent dans de multiples activités : verre, fonte mais aussi papier-bois, services, mécanique. « Une image de conglomérat qu'il va combattre de toutes ses forces », se souvient un cadre. « En donnant à Saint-Gobain une cohérence et en limitant la cyclicité des activités, il pouvait offrir des performances financières propres à satisfaire les actionnaires tout en ayant la latitude nécessaire pour mener la politique industrielle qu'il souhaitait. »1.200 acquisitions en 20 ansEn vrai stratège, ce dirigeant opiniâtre a engagé en vingt et un ans 900 cessions et 1.200 acquisitions, au point que 53 % du chiffre d'affaires de 1986 a été cédé. « Il a brillamment réussi la recomposition du groupe sachant que, plus que d'autres patrons du CAC 40, il était persuadé de l'importance du développement industriel et fervent supporteur de la recherche et de l'innovation », fait valoir un de ses pairs. En 1990, il se lance à la conquête de l'américain Norton, et s'ouvre le marché des matériaux technologiques (abrasifs, céramiques, etc.).Le rachat, en 1996, au nez et à la barbe de Lafarge, de Poliet (Point?P, Lapeyre) le fait ensuite entrer dans la distribution. Un métier moins gourmand en capitaux que l'industrie, essentiel pour mieux connaître les attentes des clients finaux, et préserver de la mondialisation qui commence alors à affecter le verre ou les tuyaux en fonte. De ce point de vue, Jean-Louis Beffa, qui a été l'un des premiers dirigeants à prospecter en Asie - la première implantation de Saint-Gobain en Chine remonte à 1985 -, aura été visionnaire.En 2005, l'achat du britannique BPB (plaque de plâtre) offre à Saint-Gobain l'occasion de se construire une position de numéro un dans l'aménagement intérieur de l'habitat, un secteur lui aussi moins sensible à la concurrence mondiale (la plaque de plâtre, comme le verre ou la laine de verre, se transporte difficilement ou à un prix prohibitif) et dont les perspectives sont dopées par le durcissement de la réglementation en matière d'économies d'énergie. « Sous son impulsion, Saint-Gobain s'est transformé en profondeur, passant du statut de groupe français avec une zone d'activité européenne et des ambitions internationales à celui de groupe international qui a un socle européen et des racines françaises », résume un cadre. Jean-Louis Beffa a aussi été un meneur d'hommes, faisant de son groupe une pépinière de talents. Pierre Blayau, naguère PDG de Pont-à-Mousson, est à la tête de Geodis. Gilles Michel, qui avait présidé la branche céramiques et plastiques, dirige le Fonds stratégique d'investissement. Philippe Crouzet, ex-patron du pôle distribution bâtiment, préside le directoire de Vallourec. Jacques Aschenbroich, l'ancien patron du vitrage, dirige Valeo. Sophie Sanchez
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