L'éditorial de Valérie Segond

Fut-il lâché entre la poire et le fromage, lors d'un dîner estival à Rome, voilà un coup de gueule bien éloquent ! Que le patron de GE, Jeff Immelt, qui a tant vénéré et loué le fantastique développement de la Chine, dénonce « l'hostilité croissante » de l'empire du Milieu à l'égard des groupes étrangers, témoigne du dépit amoureux grandissant de la communauté des affaires occidentales vis-à-vis de ce qui sera, tôt ou tard, le premier marché mondial.Une volée de bois jauneSi cette grande figure se permet de dire tout haut ce que de plus en plus de chefs d'entreprise européens murmurent tout bas depuis six mois, c'est parce qu'avec ses 5,3 milliards de chiffre d'affaires en Chine, réalisés par ses 13.000 employés, ses 20 labos de recherche à Shanghai, et son fidèle sponsoring de tous les événements chinois, il y est assez puissant pour que ses propos portent. Et cela, sans que cette volée de bois jaune ne mette en péril l'activité d'un groupe qui vend, bon an mal an, pour 150 milliards de dollars de machines les plus sophistiquées dans le monde. En bon Américain, il a donc parfaitement calculé ses risques. Une inflexion historiqueMais alors que GE investit en Chine depuis plus d'un siècle, les propos amers de son président méritent d'être écoutés avec attention. Car c'est bien une inflexion historique qu'il souligne. Il constate d'abord qu'après avoir ouvert en grand, et pendant trente ans, ses portes aux sociétés étrangères, en leur accordant des conditions fiscales et réglementaires très favorables, Pékin a clairement mis fin à nombres de privilèges. A ceux qui rêvent les yeux grands ouverts devant l'immense marché chinois, il dit ensuite que cette terre d'opportunités est aussi une terre de risques : de la fermeture progressive des marchés publics au piratage des brevets, en passant par la poussée fulgurante de concurrents chinois farouchement aidés par le gouvernement central comme par les provinces, les places durement gagnées sont de plus en plus difficiles à conserver. N'a-t-on pas trop investi en Chine ?Au point que de plus en plus d'entreprises s'interrogent : n'a-t-on pas déjà trop investi sur la Chine ? Dans les secteurs stratégiques et technologiques enfin, Pékin a clairement développé une stratégie volontariste de préférence chinoise. Pour devenir le leader mondial des technologies en 2020, et qu'à cette date, 60% de technologies utilisées dans le pays soient d'origine chinoise, il investit massivement pour gagner en autonomie technologique, et s'affranchir de la dépendance étrangère. La Chine, qui a une mémoire longue, n'a jamais oublié les Traités inégaux, et leur origine. Et aujourd'hui, elle entend bien retrouver la place dans l'économie mondiale qu'elle détenait au XVIIIème siècle. « Hey, Jeff, do you remember that ? Because, they DO ! »
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