Arnaud Marion, sauveteur de patrimoine en péril

Il se dit aujourd'hui manager, gestionnaire d'entreprise en crise. Hier, il sait qu'on l'aurait défini comme un fossoyeur, années Tapie obligent?! Fondateur de Trans Consult International en 2001, Arnaud Marion s'est fait une spécialité de reprendre des entreprises du patrimoine français en péril...au point d'en devenir lui-même président. Ainsi de la manufacture des pianos Pleyel mais aussi des chantiers Baudet, spécialiste de l'aménagement de yachts et paquebots. Il est jeune (42 ans), très cultivé, s'ingénie à pratiquer un certain art de vivre, collectionne les belles oeuvres mais aime par-dessus tout les rebonds et les missions impossibles. Ambitieux et affûté, il ne supporte pas les schémas réducteurs et se veut un artiste du management. Formé chez Arthur Andersen puis à la Compagnie Financière de Rothschild, après son diplôme de Sciences po, il met en musique des plans stratégiques comme d'autres des symphonies. Il l'a fait, justement, pour les pianos Pleyel qu'il a sauvés du naufrage. Pour ces derniers, il a retranscrit, dans un épais volume, l'histoire prestigieuse qui liait la manufacture à son compositeur préféré, Frédéric Chopin, et mené la reconstitution de la salle Pleyel, chef-d'oeuvre de l'Art déco. Il continue donc d'écrire l'histoire de Pleyel avec des toiles de Marco Del Re ou des artistes comme Hilton McConnico qui vient de dessiner un piano. Son cheval de bataille?: remettre le produit au coeur de l'entreprise, là où se trouve la véritable création de valeur. Rien ne remplace, selon lui, le « tournemain » transmis de génération en génération. Joignant l'acte à la conviction, il s'est investi dans le label EPV de l'Association nationale des entreprises du patrimoine vivant (718 entreprises), créé par le ministère des Finances et de l'Économie, au point d'en prendre, là encore, la présidence. L'homme fait tout à fond. Rien à moitié.« Une société ne peut se développer que par rapport à son histoire, c'est un élément de son patrimoine économique. Les années à venir vont se caractériser par un retour aux valeurs du savoir-faire », prédit cet iconoclaste de la restructuration qui ne dort que 4 heures par nuit, se fait masser chaque semaine et entreprend tous les ans une cure de détox. Pour lui, l'époque ne sait pas voir au-delà d'une certaine image. « Les entreprises sont comme des femmes. On veut les regarder d'une certaine façon, à la manière des couvertures de magazines. Les financiers ne tiennent compte que de l'Ebitda. Or l'important, ce sont ses hommes, son savoir-faire, ses produits. Dans les restructurations, beaucoup d'idées émergent des comités d'entreprise ou des salariés et restent ignorées. Du coup, cela rompt le dialogue et entraîne une crise souvent irréversible. » Son intime conviction?? Mener le combat de l'intérieur quand bien même le danger serait à l'extérieur. Les premiers alliés?? Les salariés. Ainsi des chantiers Baudet, 200 ans d'existence, qui affichaient 8,5 millions de pertes qu'il a épongées en 18 mois en mobilisant les équipes et en dialoguant avec eux 7 jours sur 7. Au total, 120 emplois sauvés sur le bassin de Saint-Nazaire. Dans l'avenir, il a déjà l'idée de valoriser le savoir-faire des équipes en les amenant sur de nouveaux territoires comme la décoration de grands hôtels ou de magasins de luxe... et, bien sûr, garder l'entreprise désormais à flots. Lui qui a grandi à côté des militaires du GIGN avec un père général de gendarmerie, avoue être un mercenaire. Mais la foi et la loi chevillées au corps. « Je viens délivrer des otages donc je travaille sur la psychologie du drame. Seules sont perdues les batailles qu'on ne livre pas », conclut ce centurion. Sophie Péters ? Demain : entretien avec Marc Ladreit de Lacharrière président de la fondation Culture et diversité.
Commentaire 0

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

Il n'y a actuellement aucun commentaire concernant cet article.
Soyez le premier à donner votre avis !

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.