Crime et châtiment

Extraordinaire Yolande Moreau. Cette actrice singulière continue de crever l'écran. Et ce n'est pas « Où va la nuit », le dernier opus de Martin Provost, qui risque de nous faire mentir. Ses regards, son quasi-mutisme si expressif sont époustouflants. Provost et Moreau, c'est une vieille histoire : en 2008, avec le merveilleux « Séraphine », le couple avait déjà raflé 7 césars. « Où va la nuit » connaîtra-t-il la même glorieuse destinée ? Seul l'avenir le dira mais reconnaissons déjà que le film ne manque pas de qualités. Yolande Moreau y campe Rose Mayer, une femme d'agriculteur habitant les Ardennes belges. Elle n'en peut plus, Rose, de son mari. Un individu alcoolique et violent qui la bat régulièrement. Alors, elle le tue, froidement. Puis Rose part pour Bruxelles retrouver Thomas son fils homosexuel qui a fui l'enfer familial depuis des années. Mais il n'est pas si facile pour Rose de refaire sa vie, de ne pas être en proie à un sentiment de culpabilité. Pas aisé non plus de renouer avec Thomas... Surtout quand ce dernier va découvrir la vérité sur la mort de son père. Une fois encore, comme avec « Séraphine », c'est le thème de l'émancipation féminine qu'aborde Martin Provost dans ce film noir, adapté du roman « Mauvaise Pente » de Keith Ridgway (prix Fémina étranger 2001). Tardivement, Rose l'humiliée décide de passer à l'acte. Elle le fait pour elle, pour se libérer et, croit-elle, également pour le bonheur de son fils. La force du film de Provost - qui fait parfois penser à du Hitchcock - repose sur des ressorts psychologiques parfaitement bien retranscrits. Ainsi, l'attitude de Thomas pourrait le faire passer comme le salaud intégral. Or, ce n'est pas le cas. Ce fils (très bien interprété par Pierre Moure) qui, très tôt, a abandonné un domicile familial invivable, est en proie à toutes sortes de sentiments. Son père mort, le voilà vengé de son enfance malheureuse. Mais il en veut aussi à sa mère de l'avoir tué, alors que c'était à lui de le faire... Cette réalisation impeccable tient aussi aux seconds rôles. On se régale du comportement de la logeuse (interprétée par l'étonnante Édith Scob) de Rose à Bruxelles qui va se lancer avec elle dans une sorte de voyage faisant irrésistiblement songer à « Thelma et Louise »... version vieille dame. Quant au flic (Jan Hammenecker) qui suit l'affaire, loin de s'acharner, il essaye au contraire tout le long de l'enquête de sauver Rose malgré ses doutes évidents. Une trouvaille.Un film fort, triste, illuminé, répétons-le encore, par la présence de Yolande Moreau.
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