« Vienne 1900 », une femme fardée

Quel contraste ! Entre la rudesse du visage et du corps et l'élégance, la préciosité de son regard sur la femme, il y a chez Klimt, comme un rêve d'absolu. Une femme dans son désir, sa splendeur érotique, sa sensualité provocante, jusqu'à devenir intouchable. À l'opposé, dans la douleur des corps, se trouve Egon Schiele, comme un frère de souffrance. Sombre jusqu'au désespoir. Un artiste qui nous renvoie à nous-mêmes dans un monde déchiré par la violence.Ce monde d'hier et d'aujourd'hui. C'est en cela que cette exposition « Vienne 1900 » à la fondation Beyeler à Bâle est admirable. Avec ces deux figures mythiques et d'autres, elle offre la vision d'un univers qui s'accroche à la beauté tout en sachant qu'elle ira vers l'horreur. Rarement chez des artistes on verra une telle conscience.Des agitateurs ces artistes, des provocateurs qui ne veulent plus de la société dans laquelle ils vivent, plus de son art, plus de ses moeurs étriquées, traumatisantes. Alors ils s'en emparent. Peinture, sculpture, architecture, design vont en être bouleversés. Une nouvelle esthétique est née. Elle a pour nom Sécession. Un mouvement qui s'affiche tel qu'il est : révolutionnaire.L'initiateur c'est bien sûr Klimt. D'abord classique, son style s'oriente vers une exaltation du motif qu'il soit géométrique ou simple objet quotidien. Une exaltation tout au service de l'érotisme de la femme. Ces parures d'ors et de couleurs c'est son sarcophage, à cette femme, dans lequel elle renferme l'amour et le désir. Elle en est la prisonnière. L'unique. Provocante jusqu'au rêve. Cette femme est aussi liane, algue bercée par un mouvement aquatique qui la fait évanescente. Elle vit là dans son jardin d'Éden peint pour elle par Klimt.À l'opposé, le jeune Egon Schiele montre une femme au corps déchiqueté par l'amour, corps souvent décharné dans l'expression même du désir. La chair est comme en train de mourir sous la jouissance. L'horreur pour Schiele est dans le devenir de l'homme. Il préfigure Bacon et renvoie à certaines visions de la Shoah, à ces corps morts à jamais dans la souffrance. Avec Schiele la femme n'est pas une Madone, au contraire elle est un objet de désir avec lequel on assouvit toute la violence d'une passion mortifère. L'homme n'est que son miroir en douleurs. Bien sûr dans cette exposition il y a d'autres peintres comme Kokoschka, Arnold Schoenberg ou Richard Gerstl. Malgré leur talent et ce qu'ils représentent de révolutionnaire, ils n'atteignent pas l'art exacerbé de Klimt ou de Schiele. En revanche dans le domaine de ce qu'on appelle aujourd'hui le design ou encore l'architecture, on ne peut qu'admirer l'audace d'un Hoffmann tant dans l'invention des formes et la pureté des lignes. Toute la création contemporaine est là en puissance. On vit toujours aujourd'hui sur Hoffmann, Loos ou Wagner.Cette exposition laisse des regrets, ceux de n'être aujourd'hui qu'admirateurs éblouis par tant de folie créatrice, de n'avoir pas participé à cette liberté dans l'art qui bouleversa notre vision du monde. Et de l'homme. Fondation Beyeler, à Bâle. Tél. : + 41 (0)6.16.45.97.00. Jusqu'au 16 janvier 2011. www.fondationbeyeler.ch.
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