Le développement, au-delà des idées reçues

Si elles n'ont jamais disparu du débat ou des médias, les idées reçues sur l'aide publique au développement ont pris une nouvelle vigueur en ce début de XXIe siècle. La chute du Mur, l'émergence de nouveaux acteurs, la complexité croissante des interactions sociales et économiques à l'échelle de la planète, un nouveau discours militant ou religieux sur le refus de développement et, sans aucun doute, des échecs patents des grands bailleurs de fonds, font qu'il est aujourd'hui de bon ton de remettre en cause les politiques de développement. Cette tendance s'est récemment manifestée par le retentissant livre de Dambisa Moyo, « l'Arme fatale ». C'est dire combien le (petit) livre de Jean-Michel Severino et Jean-Michel Debrat, respectivement numéro un et deux de l'Agence française du développement (AFD), arrive à point. Limité dans ses ambitions ? il ne s'agit pas d'un énième pensum sur le développpement ?, ce bréviaire contribue en revanche à mieux cerner les principaux enjeux, les questions qui appellent une réponse immédiate. Et c'est, bien entendu, un utile travail contre les généralisations abusives, dont l'Afrique constitue sans doute le terrain le plus favorable actuellement. « L'aide est un objet dont le sens évolue avec le temps », avance souvent Jean-Michel Severino pour rappeler la difficulté de parler d'un sujet qui semble échapper à quiconque souhaite l'approcher. Le livre commence ainsi par le diagnostic, l'idée partagée d'une « aide inefficace », et donc d'une dépense inutilement supportée par le contribuable. Les désastres sont connus, les réussites un peu moins. La mesure de l'efficacité de l'aide, l'un des points clés du débat aujourd'hui, y est donc naturellement abordé, sans tabou. Au chapitre des lieux communs figurent en bonne place la corruption, « la double peine pour les plus pauvres », souvent considérée comme congénitale de Afrique, et pourtant tellement universelle, ou les résistances culturelles au développement, là aussi une belle idée reçue sur l'Afrique. Le poids de la démographie, comme obstacle naturel au développement, est également traité pour être immédiatement démonté en quelques chiffres. Mais les auteurs, dans leur combat contre les approximations en tout genre, nous emportent aussi vers des réflexions, des questionnements sur le rôle de l'aide au développement, ses objectifs, ses moyens. L'éducation et la santé, l'accès (gratuit) à l'eau, les financements, la microfinance sont ainsi abordés sans angélisme, avec tous les bémols nécessaires au sérieux des débats. Bien des postulats sont remis en cause pour nous rappeler une évidence souvent écartée, celle que le développement est un processus long et complexe. Ce livre incite à aller plus loin dans la réflexion et la connaissance. Éric Benhamou « Idées reçues : l'aide au développement », de Jean-Michel Severino et Jean-Michel Debrat. Éditions Le Cavalier Bleu, AFD (120 pages, 9,80 euros).
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