Avec les « Vanités », genre pictural apparu au Moyen Âge, l'...

Un crâne au sourire démoniaque est posé sur une partition musicale. Du sommet semble émerger quelques rubans de soie, des feuilles, des noeuds, une petite poupée simiesque. Autour, des objets : une viole, un sablier, une bougie éteinte, des étoffes, des coquillages. Une atmosphère funeste et voluptueuse à la fois. Cette « Vanit頻 de Simon Renard de Saint-André (1613-1677) est à elle seule l'exemple d'un genre qui apparut à la fin du Moyen Âge, aujourd'hui célébré par une belle exposition à la Fondation Dina Vierny- Musée Maillol. Un portrait, si l'on peut dire, presque métaphysique et mystique à la fois, d'un homme ou d'une femme. Un défunt. Il rappelle ce qu'il fut dans son intimité et son acheminement vers la mort. La « Vanit頻, c'est d'abord un rappel à la vie. C'est pourquoi elle court pendant des siècles sous différentes formes, jusqu'à disparaître et n'être que la manifestation parfois indécente de la mort. Cette mort devenue représentation purement esthétique. Presque triviale.« Au siècle dernier, la mort fut un grand charnier, dit Patrizia Nitti, commissaire de cette exposition, dont ?La Tribune? est partenaire. On a voulu l'occulter, l'évacuer. Aujourd'hui, les artistes se la réapproprient, mais individuellement, pour en faire parfois un hymne à la vie. » C'est ce qu'elle nous montre, à travers quelque 150 oeuvres, des mosaïques romaines jusqu'au « Théâtre d'ombres » de Boltanski.Ici, Caravage oppose la mort à la vieillesse dans l'ombre de « Saint Jérôme écrivant » et il en fait un objet de méditation avec « Saint François ». Hamlet avant l'heure. Avec Zurbaran, le crâne est comme un calice qu'il regarde avec méfiance. Le plus étrange est sans doute ce cupidon potelé endormi sur un crâne la gueule ouverte, presque rugissant. Une oeuvre de Genovesino. La mort ne fait plus peur. Elle rassure. Elle est toujours là présente, tapie dans les ténèbres. Elle va, comme ça, d'une oeuvre à l'autre narguer le temps. Narguer l'art.Mais au XXe siècle, la « Vanit頻 vit ses derniers flamboiements. Cézanne en laisse une trace en interrogeant le classicisme, Picasso fait se rencontrer un crâne, un pichet et une botte de poireaux, non sans humour. Et Braque, revenu de la guerre, donne à sa « Vanit頻 des humeurs joyeuses. Comme pour se libérer des horreurs qu'il a vues et vécues. Reste l'émouvante caresse de l'homme au crâne de Bernard Buffet.Avec l'art contemporain, c'en est fini de la « Vanit頻. Ne reste plus que la représentation du crâne. Damien Hirst le recouvre avec beaucoup de futilité de diamants. Plus subtil est son casque de mouches qui évoque le pourrissement. D'autres comme Richter en font une nature morte à la Morandi. Pour tous, le crâne est devenu un objet de délire. Très éloigné de la mort. Proche de la mode. Jean-Louis Pinte
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