Hôtels mythiques Le Petit Nice Passédat entre ciel et mer

De la terrasse, on se croirait sur le pont d'un navire. Telle une proue amarrée près des côtes, Le Petit Nice Passédat offre un panorama de pleine mer. L'endroit est magique. En face : les îles du Frioul, le château d'If, l'île Gaby et l'îlot des Pendus. La Méditerranée à ses pieds. Et pourtant on est au centre de Marseille dans le fameux quartier du Panier, dans l'anse de Maldormé. Le lieu a été maintes fois remanié : reconstruit après la guerre en 1945, il est totalement transformé en 1966 puis agrandi en 1973 grâce à l'achat de la maison de l'autre côté de la rue. Et aujourd'hui encore avec des chambres fraîchement refaites, il réinvente une fois de plus la modernité. Mais n'a rien perdu de sa longue histoire.Jean-Paul Passédat, 77 ans, le maître des lieux avec son fils Gérald, 50 ans, reçoit ses hôtes en maestro. Aux plus fidèles ou aux plus curieux, il offre même un CD de ses enregistrements. Car si Jean-Paul Passédat est une figure de l'hôtellerie phocéenne, il est aussi un ancien ténor qui a tenu les plus grands rôles aux côtés de Roger Vandamme, ou de Mady Mesplé et Pierrette Vincent dans les années cinquante. Oui, mais voilà, il est né dans une famille d'hôteliers. De ceux qui ont mis tout leur amour dans leur cuisine et leur maison. Et pas n'importe laquelle. Son père, ancien boulanger-pâtissier, puis cafetier, achète en 1917 la villa Corinthe, pour y ouvrir un restaurant. Parce que l'endroit lui rappelle la Côte d'Azur, Germain Passédat le nomme « Le Petit Nice ». Après la mort brutale de sa femme, il s'éprend d'une chanteuse lyrique Luxia Alabern, soprano très en vogue et muse de Louis Lumière. C'est donc à sa mère que Jean-Paul Passédat doit sa passion pour le chant. Passion à laquelle il renonce après un début de carrière prometteur. À son père bouleversé par les ravages de la guerre sur son hôtel, il fait la promesse de reprendre le flambeau... le jour où. On est juste après la guerre. Germain Passédat a 74 ans et il a relancé son établissement. Tant et si bien que les artistes s'y pressent?: Jean Servais, Martine Carol, Charles Vanel, Jeanne Moreau, Fernandel, Jean Carmet, Henri Salvador... Tous viennent prendre du repos et se retrouver sur ce beau paquebot amarré la proue au vent.En 1955, à la mort du père fondateur, c'est le dilemme. Alors que Jean-Paul mène de front sa carrière de chanteur lyrique, la gestion et les cuisines du Petit Nice pendant près de dix ans, sa promesse le rattrape. Il tranche non sans regrets. Aujourd'hui, on est touché par l'élégance d'un homme au renoncement douloureux mais fier d'avoir perpétué la légende familiale pendant trente ans. Il l'a mis dans les mains de son fils Gérald. Tant mieux, ce dernier est fasciné par la cuisine... et les courses automobiles. Il sait de qui tenir?: papa a mis au point quelques recettes mémorables qui l'ont mené aux étoiles comme le foie de canard poêlé aux pommes confites, le court ragoût phocéen aux pistils de safran et sa rouille, les filets de rougets aux épinards et fonds d'artichauts. Et bien sûr son gratin de fruits rouges baptisé... Maria Callas?! Gérald, lui, a fait ses classes au Bristol, au Crillon, en Catalogne chez Ferran Adrià et à Eugénie-les-Bains au côté de Michel Guérard. Quand, en 1985, il rejoint ses parents à la direction du navire marseillais, il fait des merveilles en cuisine. De parents artistes, Gérald Passédat met les plats au diapason de ses origines. Et cuisine les poissons à merveille dont le fameux loup « Lucie Passédat » ou « l'anémone de mer en onctueux iodé, puis en beignet », point d'orgue de sa cuisine... et pêchée sur place. Un talent qui décroche la troisième étoile du Michelin en 2008.Aujourd'hui à la tête d'un établissement classé Relais & Châteaux, Gérald n'a qu'un désir?: continuer encore et toujours de faire découvrir au plus grand nombre son horizon, celui où il a grandi, celui où son grand-père a jeté l'ancre il y a bientôt cent ans. Entre ciel et mer. ? Lundi : Chateau Marmont, Hollywood.
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