« L'accompagnement des chômeurs par le privé favorise moins le retour à l'emploi »

Claude seibel, président du comité d'évaluation de l'accompagnement renforcé des chômeursPrésident du comité de pilotage d'évaluation, Claude Seibel dévoile dans nos colonnes les grands enseignements du rapport sur les expérimentations d'accompagnement renforcé des demandeurs d'emploi qu'il rend ce matin à Laurent Wauquiez, secrétaire d'État à l'Emploi, et Christian Charpy, directeur général de Pôle emploi. Ce document montre qu'à l'horizon de six mois, le programme Cap vers l'entreprise de l'ex-ANPE a un « effet rapide et élevé sur le taux de sortie vers l'emploi » et que l'accompagnement par les opérateurs privés a un « impact plus tardif et plus modéré sur la sortie vers l'emploi ». Bref, le privé ne fait pas mieux que le public. De quoi alimenter les discussions au sein de Pôle emploi, qui vient de confier l'accompagnement de 320.000 chômeurs à des opérateurs privés de placement sur deux ans. Cette montée en puissance du suivi des demandeurs d'emploi par 23 opérateurs privés, comme des agences d'intérim (l'expérimentation concernait 40.000 demandeurs d'emploi) fera elle aussi l'objet d'une évaluation par un comité installé auprès du conseil d'administration de Pôle emploi.Vous avez comparé deux programmes d'accompagnement renforcé des demandeurs d'emploi menés en 2007 : l'un par des opérateurs privés de placement, l'autre par l'ANPE appelé Cap vers l'entreprise. Quel est le plus efficace ?Incontestablement, les programmes d'accompagnement renforcé menés par les opérateurs privés et l'ANPE accroissent les sorties vers l'emploi. Mais il y a un décalage dans le temps et les niveaux atteints : un an après leur entrée dans l'expérimentation, le taux de sortie vers l'emploi des demandeurs confiés au privé s'est accru de + 5,6 points en moyenne. Ce taux grimpe à + 7,3 points pour les demandeurs d'emploi suivis par les équipes dédiées de l'ANPE.Comment l'expliquez-vous ?Dans le programme Cap vers l'entreprise, les équipes étaient constituées de volontaires, souvent expérimentés et motivés. À l'inverse, les conseillers de certains opérateurs privés avaient une moindre expérience, voire étaient débutants, donc sans doute très motivés, mais moins expérimentés.Aujourd'hui, Pôle emploi connaît des difficultés compte tenu de la réorganisation et de l'afflux de nouveaux demandeurs d'emploi. Le recours à des opérateurs privés est-il inévitable ?Pôle emploi s'est retrouvé face à un afflux de 25 % de demandeurs d'emploi supplémentaires, d'où des difficultés de capacités. La confrontation des méthodes public-privé est intéressante car elle permet de s'enrichir mutuellement, mais également de pouvoir jouer la carte de la complémentarité et de la stimulation. Il serait par ailleurs dangereux de spécialiser le public pour certaines catégories de chômeurs. En revanche, il est très important que Pôle emploi se dote d'un ensemble d'outils de suivi des coûts et pas simplement des résultats.Le coût est-il supérieur quand on passe par un opérateur privé ?Il était supérieur dans un marché qui démarrait. Le coût du marché qui vient d'être passé avec 23 opérateurs privés est plus proche de celui du service public. Qu'il y ait un coût supplémentaire ne me choque pas. Il va falloir que Pôle emploi organise ce suivi de façon très précise. Dans l'évaluation, nous ne sommes pas allés très loin sur l'analyse des coûts.Au vu de vos travaux, que faut-il améliorer pour pouvoir mieux évaluer ?Cette évaluation a beaucoup apporté. Trois points auraient pu être introduits pour améliorer les données recueillies : la prise en compte des marchés locaux de l'emploi, la connaissance de la qualité de l'emploi retrouvé et le coût du dispositif. Maintenant que les chercheurs du Crest (1) et de l'EEP (2) ont fait une expérience sur une grande échelle, ils pensent évaluer avec des échantillons de plus petite taille. Derrière ces méthodes d'échantillonnage aléatoire, il faut aussi corriger certaines choses. Par exemple, des personnes se trouvent orientées dans le programme d'accompagnement classique, elles auraient été intéressées par un accompagnement renforcé. Or le hasard ne les a pas sélectionnées. Ce sont des aspects éthiques qu'il faudra traiter?Propos recueillis par François Lenglet et Isabelle Moreau (1) Centre de recherche en économie et statistique. (2) École d'économie de Paris.
Commentaire 0

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

Il n'y a actuellement aucun commentaire concernant cet article.
Soyez le premier à donner votre avis !

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.