Moscou et Sofia se déchirent sur le mégacontrat de RosAtom à Belene

Manoeuvre de la dernière chance ou réel écoeurement ? Dans un document interne que s'est procuré « La Tribune », AtomStroiExport, la société russe chargée de construire des centrales nucléaires à l'étranger, informe sa maison mère, la société d'État RosAtom, qu'elle va renoncer à construire la centrale nucléaire de Belene en Bulgarie, d'une capacité prévue de 2 Gigawatts. Principal contractant depuis qu'il a remporté l'appel d'offres en 2006, AtomStroiExport est exaspéré par les atermoiements du gouvernement bulgare, qui ne parvient pas à boucler le financement. Les investisseurs du projet sont NEK (l'EDF bulgare, à hauteur de 51 %) et RosAtom (25 %). Le quart restant se négocie actuellement entre le finlandais Fortum (allié avec RosAtom et prêt à prendre jusqu'à 25 %), la Serbie (intéressé par 5 à 10 %) et le français Altran Technologies (pour 1 %). Côté bulgare, où l'alternance politique en 2009 a conduit à un sérieux refroidissement avec Moscou, on s'insurge contre l'inflation du coût de la centrale. D'un coût de 4 milliards d'euros à l'origine, RosAtom réclame aujourd'hui 6,4 milliards d'euros. Point de non-retourSelon RosAtom, le retard génère un surcoût et sa filiale AtomStroiExport assure que le point de non-retour vient d'être franchi. « La fin janvier représente un moment critique dans la prise de décision concernant le projet Belene », indiquait le document interne daté du 28 janvier et rédigé par le directeur du développement d'AtomStroiExport. Ce dernier ajoute que « l'échec du projet est paradoxalement une bonne chose pour AtomStroiExport », car elle va permettre d'obtenir 200 millions d'euros de dédommagements au groupe « alors que le profit dégagé par la construction de Belene n'aurait été que de 150 millions d'euros ». AtomStroiExport enjoint donc le patron de RosAtom, Sergueï Kirienko, de déposer une plainte contre NEK devant une court d'arbitrage. Dans un deuxième temps, il lui demande d'informer « Areva-Siemens », principal sous-traitant du projet, de la « cessation des paiements venant de la partie russe pour Belene ». Enfin, AtomStroiExport demande au patron de RosAtom de transférer les équipements russes « vers le site de construction de la centrale nucléaire d'Accuyu, en Turquie ». Le projet Belene représente un gros contrat pour Areva, puisque le groupe français doit réaliser environ 20 % du travail sur la centrale et fournir le contrôle-commande.Démarré en 1981, le projet Belene constitue une longue suite de déconvenues, du gel du projet en 1990, au départ de l'allemand RWE (qui devait financer à hauteur de 49 %) en 2009, à celui de BNP Paribas, qui a renoncé au début 2010 à fournir un prêt de 250 millions d'euros.Une source diplomatique estime toutefois « peu probable que RosAtom veuille se fâcher avec un client sur un tel projet pour récupérer 200 millions d'euros ». Et suggère qu'il s'agit « soit d'une manoeuvre d'AtomStroiExport pour obtenir davantage de financements venant de RosAtom, soit d'une manière de faire pression sur le gouvernement bulgare. »
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