La mise en garde de Mario Monti à l'Allemagne

Mario Monti est « inquiet ». Dans un entretien publié par l’hebdomadaire allemand Der Spiegel ce lundi, le président du conseil italien a mis en garde contre la progression du sentiment anti-allemand en Italie et dans toute l’Europe et évoque une « rupture psychologique » au sein de l’Europe, sous entendu entre le Nord et le Sud du continent. « Nous devons travailler pour empêcher cette rupture de se développer », a-t-il indiqué ajoutant que « si l’euro devait devenir un facteur de désunion au sein de l’Europe, cela détruirait les fondations du projets européens ». Mario Monti affirme avoir évoqué ce problème avec Angela Merkel.Critiques envers l’AllemagneLe chef du gouvernement italien vise cependant moins les critiques italiennes à l’encontre de l’Allemagne que l’attitude même de Berlin qui, dans son esprit, encouragerait ces critiques. Dans son viseur : les réticences de la première économie de la zone euro à mettre en pratique les décisions du conseil européen, notamment sur l’utilisation du MES et du FESF pour racheter des titres souverains sur le marché secondaire. C’était l’exigence de Rome lors du dernier sommet de Bruxelles fin juin et les 17 s’étaient mis d’accord sur le principe. Mais la Finlande, l’Allemagne et les Pays-Bas freinent la mise en œuvre concrète de cette décision. « Il faut régler les problèmes qui alimentent un climat d’incertitude », a martelé Mario Monti.Le rôle des parlements nationaux contestés.Egalement en cause dans cet entretien : le rôle des parlements. « Si les gouvernements devaient se laisser complètement brider par leurs parlements sans préserver leur espace de négociation, l’Europe risque d’éclater plutôt que de renforcer son intégration », a mis en garde le chef du gouvernement italien. Ici, c’est l’Allemagne qui est directement mise en cause : la cour constitutionnelle de Karlsruhe a récemment imposé un renforcement des pouvoirs du Bundestag dans la politique européenne en exigeant « un vrai pouvoir de décision » des députés. Une décision qui réduit la marge de manœuvre de Berlin. Par ailleurs, Karlsruhe doit le 12 septembre prochain se prononcer sur la validité du pacte budgétaire et pourrait encore exiger une plus grande participation du parlement.Vives réactions en AllemagneEn Allemagne, la classe politique ne s’est pas trompé sur la nature de cet entretien et n’a pas de mots assez durs pour critiquer Mario Monti. Même si le chef du gouvernement italien affirme que l’Italie n’a besoin que du « soutien moral » de l’Allemagne et pas de son soutien financier et qu’il insiste sur ce point, beaucoup, outre-Rhin, voient dans ses déclarations une tentatives de chantage : ou Berlin cède à ses exigences, ou l’Europe éclate. « Monti veut régler ses problèmes aux dépens des contribuables allemands et enrobe cela de poésie pro-européenne », résume le leader des eurosceptiques libéraux Frank Schäffler. Même son de cloche à la CSU bavaroise où le député Michael Grosse-Brömer estime que « l’envie de l’argent des contribuables allemands pousse Monti à un apogée anti-démocratique ». Du reste, même à gauche, on n’apprécie guère les propos du président du conseil italien. L’acceptation de l’euro et de son sauvetage est renforcée par la participation des parlements nationaux, pas affaiblie », rappelle Joachin Poß, le vice chef du groupe parlementaire SPD au Bundestag qui, plus piquant, ajoute : « sans doute les années Berlusconi ont détérioré la compréhension du rôle du parlement en Italie ».Pressions avant un automne décisifLa pression de Rome sur Berlin s’inscrit dans une stratégie plus globale d’isolement croissant de l’Allemagne alors que se prépare en coulisse une rentrée mouvementée sur le front de la crise européenne. Le chancelier autrichien Werner Faymann, lui-même, a participé au mouvement en affirmant ce lundi dans le quotidien viennois Kurier qu’il « comptait » sur un recul d’Angela Merkel sur la licence bancaire au MES. Un point que l’Allemagne refurse depuis toujours, car on estime que cela reviendrait à financer les Etats en difficulté par l’argent des contribuables des autres Etats. Là encore, ces déclarations ont beaucoup énervé à Berlin. Le député européen CDU Elmar Brok a ainsi estimé que le chancelier autrichien était \"à la recherche de sa propre ligne\". Derrière le calme estival, les grandes manœuvres se poursuivent donc plus que jamais.  
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