L'éditorial de Sophie Gherardi

Ne vous apitoyez pas sur les Grecs, ils valent mieux que ça. Victor Hugo le savait bien, qui après de longues strophes éplorées sur les massacres de Chio demande à l'enfant survivant ce qui pourrait le consoler : « Que veux-tu ? fleur, beau fruit, ou l'oiseau merveilleux ?- Ami, dit l'enfant grec, dit l'enfant aux yeux bleus,Je veux de la poudre et des balles. »(Les Orientales, 1829) Des coups durs, les Grecs modernes en ont connu. Des guerres, des trahisons, des occupations, des dictatures, un nettoyage ethnique d'échelle historique (leur expulsion d'Asie Mineure en 1922), une guerre civile... et des crises de la dette. Les avez-vous entendus gémir ? Ils font de leur mieux avec leur pays trop petit pour son passé, leurs archaïsmes méditerranéens et leurs talents individuels. Jens Bastian jette sur son pays d'adoption un regard lucide et bienveillant. Cet économiste allemand vit et travaille en Grèce depuis treize ans. « La situation est dure pour la population. La consommation représentait 51% du PIB en 2009, mais cette proportion est en recul, le plan mord déjà sur le pouvoir d'achat, on commence à voir ce qu'est une économie où le consommateur se retire ». Pourtant, il est loin d'être pessimiste. Car pour lui, la thérapie de choc est peut-être une chance pour la Grèce. « C'est un pays où les closed shops sont innombrables. Architectes, avocats, médecins, camionneurs, taxis, toutes ces professions et bien d'autres se protègent des nouveaux entrants. Des barrières presque insurmontables interdisent aux jeunes d'y accéder. Mais cette fois, il y a une volonté politique d'affronter ces blocages. » Le fisc et les piscinesLa preuve ? Il y a dans le nord d'Athènes un quartier riche plein d'élégantes villas, Kefissia. Parmi les contribuables huppés de ce quartier, 324 déclaraient avoir une piscine. Alors le fisc est allé sur Google Earth, a zoomé sur la zone et a dénombré... 16.976 piscines. Il s'est ensuite rappelé au bon souvenir des contrevenants. « Jamais on n'aurait pu imaginer une chose pareille dans la Grèce d'avant », sourit Jens Bastian. Et si les règles du jeu changeaient ? Si les retraités ne continuaient pas à recevoir leur pension bien des années après leur mort ? Si les médecins hospitaliers soignaient les patients sans leur demander de dessous de table ? Si les restaurants délivraient des reçus, les entrepreneurs des factures ? En 2008 et 2009, pendant la crise économique, donc, le nombre de fonctionnaires s'est accru de 15.000 par an, et les traitements ont été revalorisés de 7% chacune des deux années. Le plan ramènerait la situation à ce qu'elle était en 2007. Pénible, mais tout de même pas invivable. Des observateurs avisés font observer que baisser les salaires publics n'est en général pas la meilleure façon de lutter contre la corruption. « C'est vrai, concède Jens Bastian, l'Allemand d'Athènes, mais la population n'en peut plus. Elle est mûre pour un changement profond ». Et Georges Papandréou, est-il à la hauteur de la tâche ? Le pilote des réformes est en réalité son ministre de l'économie, Georges Papaconstantinou ? calme et déterminé au milieu des tempêtes. Le Premier ministre, lui, est un spécialiste des relations internationales. Une date plus importante qu'on ne l'imagine sera, fin mai, la visite officielle du premier ministre turc Erdogan à Athènes. Quand on sait que la Grèce a le plus gros budget militaire d'Europe en proportion, à cause des tensions historiques avec la Turquie, on comprend que ce qui se dira derrière les portes closes comptera plus que les mesures techniques pour le retour à l'équilibre des finances publiques...
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