Plaidoyer pour un nouveau keynésianisme radical

Au-delà des secousses financières qui donnent des frayeurs aux pays de la zone « euro », nous proposons ici une solution concrète à la grave crise économique que nous vivons aujourd'hui, et ce sur la base d'un quadruple constat.Primo, le sauvetage du secteur bancaire a été spectaculairement réussi grâce à l'injection massive de liquidités, en pratique un véritable « open bar financier » à taux zéro gracieusement ouvert par les grandes banques centrales, avec en outre l'appui budgétaire des principaux États. Secundo, ces sommes astronomiques consenties pour réanimer le secteur bancaire ne se sont pas massivement répercutées vers l'économie réelle car les banques ont en fait utilisé l'argent des banques centrales pour restaurer leur profitabilité. Tertio, dans le monde économique actuel, structuré autour de trois « mégadevises » (dollar, euro et yen), qui représentent les trois quarts de la masse monétaire mondiale, l'inflation a maintenant disparu. Trois raisons à cette situation nouvelle?: les devises ne peuvent plus dévaluer, car elles n'ont maintenant plus rien au-dessus d'elles?; dans un contexte de chômage et de stagnation des salaires et des bénéfices, les consommateurs, quel que soit leur niveau de revenu, veulent systématiquement payer moins cher les produits et services qu'ils achètent?; les producteurs, stimulés par une concurrence internationale féroce, tendent à réduire toujours davantage leurs prix de vente. Quarto, la masse monétaire mondiale (au sens de M3, c'est-à-dire la somme de l'argent liquide, des dépôts à vue ou à terme et des Sicav monétaires) est du même ordre de grandeur que le PIB mondial, ce qui signifie que la création annuelle de richesse a besoin d'une année d'équivalent d'argent en stock pour pouvoir se concrétiser. Et symétriquement, l'augmentation du stock de masse monétaire entraîne mécaniquement un accroissement équivalent du montant du PIB. Cette réalité méconnue est d'une importance capitale pour bien comprendre les ressorts réels de l'économie mondiale.À partir de ces quatre constats, nous avançons l'idée force suivante?: pourquoi ne pas reprendre le mode efficace de sauvetage éclair des banques, à savoir l'injection massive de liquidités, pour l'appliquer à l'économie réelle?Δ En pratique, il s'agit de créer au niveau mondial - via des émissions monétaires des grandes banques centrales - de l'argent qui serait donné aux ménages et aux entreprises, pour par exemple un total de 5 % du PIB, et ce sans obligation de remboursement. Ainsi en France, sur la base d'un PIB de 1.900 milliards d'euros, cela reviendrait à donner quelque 50 milliards à chacune des deux parties, soit de l'ordre de 2.500 euros par ménage et 25.000 euros par entreprise. Concrètement, une telle démarche n'aurait que des avantages. Elle serait gratuite, car faire marcher la planche à billets ne coûte rien, très simple à appliquer pour les bénéficiaires, au travers des réseaux bancaires et permettrait de relancer la consommation, de conforter les bilans des entreprises et de créer des emplois. Le tout sans risque d'inflation qui a désormais disparu. Cette relance procurerait en outre de nouvelles recettes fiscales et compte tenu du lien organique entre PIB et masse monétaire, elle aboutirait sans tarder à atteindre une croissance mondiale de 5 % l'an. Cela dit, il paraît indispensable - pour des raisons d'efficacité - de lancer cette opération d'une manière coordonnée à l'échelle internationale, au niveau de chaque mégabanque centrale (BCE, FED et Banque du Japon), les autres banques centrales (notamment Banque de Chine et Banque d'Angleterre) pouvant elles aussi participer au mouvement, sous l'égide du G20 et de la BRI (Banque des règlements internationaux).En conclusion, une telle idée, qui peut sembler fantaisiste voire iconoclaste - et qui se place à l'opposé des politiques budgétaires restrictives imposées aujourd'hui - n'a rien d'utopique?: elle est en vérité profondément réaliste, car elle procède juste d'une mise à jour moderne de la doctrine de Keynes, qui a efficacement fait ses preuves à la sortie de la Seconde Guerre mondiale.Point de vue Joseph Leddet Administrateur de l'Insee, économiste et consultant
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