Les cent jours qui ont imposé Stéphane Richard chez France Télécom

Ce n'est qu'une histoire de fauteuil mais elle est symbolique de la place prise par Stéphane Richard en trois mois chez France Télécome;lécom. « Lors des conseils d'administration, Stéphane Richard est assis à la droite de Didier Lombard, le PDG. En plus de trois années à la direction du groupe, son prédécesseur à la tête d'Orange France, Louis-Pierre Wenes, n'avait jamais occupé cette place », souligne une source interne. Arrivé le 1er septembre 2009 chez France Télécome;lécom, initialement pour s'occuper des affaires internationales en attendant que le mandat de PDG de Didier Lombard expire au printemps 2011, Stéphane Richard est aujourd'hui le patron des opérations françaises du groupe. Avant de devenir, le 1er janvier 2010, le numéro un bis de l'opérateur de télécoms. Directeur général délégué : la fonction a même été créée sur mesure. La crise sociale traversée par France Télécome;lécom l'été dernier a évidemment précipité l'ascension de l'ancien directeur de cabinet de Christine Lagarde au ministère de l'Économie. « Stéphane Richard a très vite pris les choses à bras-le-corps mais sans précipitation, sans donner le sentiment d'arrogance que certains nouveaux dirigeants peuvent avoir à leur arrivée dans une entreprise », se souvient Xavier Major, délégué syndical central CFDT. Début octobre, à peine nommé à la tête des opérations françaises, le c?ur stratégique de l'opérateur, Stéphane Richard fait le tour des organisations syndicales. Son passage à la direction de Veolia Transport, et notamment l'épisode houleux du rachat de la SNCM, l'a convaincu du caractère crucial du dialogue social. « C'était difficile de faire pire que son prédécesseur », ironise aussi un autre délégué syndical. L'urgence de la crise sociale exigeait cette implication. Mais un élu se souvient n'avoir vu qu'une seule fois Louis-Pierre Wenes à une réunion du comité d'entreprise d'Orange France en plus de trois ans. « Stéphane Richard a fait un sans-faute. Il est clair, net et précis. À chacune de ses interventions, on voit qu'il connaît le dossier. Il décide vite », confirme un cadre dirigeant. Ils sont nombreux en interne à saluer son implication, sa capacité à prendre des décisions, sur tous les sujets, y compris les budgets. Sa prise de fonctions a été menée tambour battant. Alors que la tempête médiatique enfle au quatrième suicide d'affilée de l'été, Stéphane Richard enchaîne les déplacements. Un jour à Lens pour échanger avec les dirigeants locaux. Le lendemain à Marseille pour rencontrer les collègues d'un salarié qui a tenté de mettre fin à ses jours. La semaine suivante à Toulouse, à La Réunion ou aux Antilles? En moins de deux mois, Stéphane Richard visite près de dix directions régionales. Et écoute beaucoup les salariés, qui reconnaissent aujourd'hui le manque d'attention dont ils faisaient l'objet ces dernières années. « Les salariés de France Télécome;lécom sont très légitimistes. Mais ils ont besoin d'être entraînés, tirés par un type qu'ils respectent. Ce n'était pas le cas de Louis-Pierre Wenes. Cette crise est l'occasion pour Stéphane Richard d'acquérir une véritable légitimité qu'il n'aurait peut-être pas eue en arrivant PDG sans avoir à mettre les mains dans le cambouis », analyse un cadre de l'opérateur. Un autre se félicite qu'il n'y ait « pas de conflit entre lui et Didier Lombard, d'autant que ce dernier joue plutôt profil bas ». Même à l'extérieur, l'effet positif de sa nomination est ressenti. « Alors que la crise de cet été l'avait profondément affecté, je sens de nouveau le groupe apais頻, indique le dirigeant d'un des principaux fournisseurs de France Télécome;lécom, qui doit prochainement rencontrer Stéphane Richard pour parler « business ».Sa récente nomination comme directeur général délégué va encore renforcer son autorité. « Cela sera utile car, lorsqu'il essaie de faire bouger les choses, il se heurte souvent aux baronnies, encore puissantes dans le groupe », estime un syndicaliste. Selon lui, il n'est pas rare de voir certains managers de l'opérateur tenir un discours différent de celui de Stéphane Richard, une fois le dos tourné. L'influence du corps des X-Télécoms reste forte dans le groupe et certains ne voient pas forcément d'un bon ?il l'arrivée d'un homme qui n'est pas issu du sérail, mais énarque et diplômé de HEC. « Certains managers ont été embauchés par Louis-Pierre Wenes, avec des méthodes et des objectifs très précis auxquels ils ont du mal à déroger », ajoute la même source. Pour l'instant, en dehors du départ de Louis-Pierre Wenes et de l'arrivée de Stéphane Richard, la direction du groupe, aussi bien à la tête que dans les strates inférieures, n'a pas été remaniée. Mais beaucoup s'attendent à ce que Stéphane Richard modèle, dans les prochains mois, une équipe à sa main, quitte à ce que certains cadres montés dans la hiérarchie dans le sillage du précédent patron de France Télécome;lécom soient progressivement écartés.« Si Stéphane Richard continue comme ça, il peut relancer le groupe. Son seul sujet est de trouver un numéro deux qui dirige la technique. Il doit constituer un ticket », estime un dirigeant. Privilégiera-t-il, afin de ménager les susceptibilités, un homme de l'interne, aux compétences reconnues, tel qu'un Jean-Philippe Vanot, un X-Télécoms qui dirigeait les réseaux avant de prendre la tête de l'innovation et du marketing au printemps dernier, ou un profil plus décapant à la Jacques Veyrat, le brillant et dynamique ex-patron de l'opérateur alternatif Neuf Cegetel ? « Il s'agit plutôt d'un sujet à horizon des douze prochains mois », nuance-t-on chez France Télécome;lécom.En cent jours, Stéphane Richard a sans doute pris la mesure du malaise régnant au sein du corps social de l'entreprise, mais « comprend-il vraiment ce qu'est France Télécome;lécom en France, avec des sujets aussi complexes que la fibre optique et les terminaisons d'appel ? En trois mois, il est impossible d'en cerner tous les enjeux », relève un bon connaisseur de l'entreprise. Toutefois, fort de ses bonnes relations avec le pouvoir en place, Stéphane Richard aurait déjà obtenu de l'État la promesse si ce n'est d'une « pause réglementaire », tout du moins d'une attitude plus accommodante à l'égard de l'opérateur historique en pleine crise sociale.Mobilisé sur le front interne, le futur PDG ne s'est pas encore adressé à la communauté financière. Et c'est peut-être sur les marchés financiers que se retrouvent les plus sceptiques. Pour les analystes et les investisseurs, pas question de signer un chèque en blanc au nouveau dirigeant. « Il paraît qu'il n'a pas fait d'étincelles à Veolia Transport », lâche l'un d'eux. « Qu'il y ait quelqu'un de plus ?soft? et de moins crispé avec les syndicats, c'est plutôt une bonne chose, mais le départ d'un ?cost-cutter? [réducteur de coûts, Ndlr] comme Louis-Pierre Wenes n'est pas très bon signe, car c'est encore nécessaire de s'attaquer aux coûts de l'opérateur, alors que le marché du haut débit en France se détériore. Cela dit, un départ de Didier Lombard sera de toute façon positif », déclare sans état d'âme un analyste. Même sur les marchés financiers, les bons connaisseurs de l'entreprise insistent sur la nécessité d'insuffler un élan mobilisateur aux équipes autour d'un grand projet d'entreprise autre qu'un énième plan centré sur des objectifs de cash-flow peu à même de galvaniser les troupes. L'un d'eux observe que « le vrai défi de Stéphane Richard sera de faire en sorte que les salariés retrouvent foi dans leur entreprise, car ce fut longtemps la force de France Télécome;lécom ». Le futur directeur général délégué dévoilera dans les prochaines heures, à l'occasion de ses cent jours dans l'entreprise, l'esquisse d'un « nouveau contrat social » pour France Télécome;lécom. Avec comme principal objectif : alléger le poids du siège, devenu insupportable pour un grand nombre de salariés, et leur redonner plus d'autonomie et de marge de man?uvre. nPour les analystes et les investisseurs, il n'est pas question de signer un chèque en blanc au nouveau dirigeant.1er septembre 2009 : arrive chez France Télécome;lécom.5 octobre : prend la direction générale des opérations françaises.2 décembre : nommé directeur général de tout le groupe, poste qu'il occupera le 1er janvier 2010.
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