Le taux de boursiers cristallise le débat sur la démocratisation des grandes écoles

Que n'a pas provoqué la Conférence des grandes écoles (CGE) en publiant fin 2009 sa position sur l'objectif d'un taux de 30 % de boursiers dans les établissements les plus prestigieux ! Désapprouvant « d'une manière générale la notion de?quotas?», Pierre Tapie, le président de la CGE (par ailleurs directeur de l'Essec), et Jean-Pierre Helfer, le président de la commission diversité de la CGE, critiquaient par là directement l'engagement pris par Valérie Pécresse à la mi-novembre. Un objectif qui s'inscrit dans la droite ligne de celui fixé par Nicolas Sarkozy en 2008 d'atteindre les 30 % de boursiers en classes préparatoires aux grandes écoles (réalisé avec un an d'avance en septembre dernier en première année).Toute cette semaine la tempête médiatique a fait rage, avec parfois des relents de règlements de comptes. Le ministre de l'Education nationale s'est déclaré « choqué », le commissaire à l'Egalité des chances et à la Diversité, Yazid Sabeg, a jugé cette prise de position « scandaleuse », l'Unef (principale organisation étudiante) a exigé de « faire voler en éclats » la « sacro-sainte sélection à l'entrée des grandes écoles », les jeunes de l'UMP ont appelé ces dernières à plus « d'imagination », Alain Minc et François Pinault ont qualifié la CGE de « réactionnaire »? jusqu'au Sénat qui a rappelé son opposition aux quotas. Du coup, le gouvernement a quelque peu cafouillé. La ministre de l'Enseignement supérieur a ainsi annoncé vouloir rendre gratuits les concours d'entrée aux grandes écoles, citant Normale sup ou Polytechnique. Or nombre de ces concours sont déjà gratuits pour les boursiers (à l'X, Centrale, l'ENA?) voire pour tous les élèves (ENS de Paris, Lyon et Cachan) ou ont leurs frais réduits à 50 (Mines à Ales, Douai, Albi?) ou 20 euros (Mines, Ponts). Par ailleurs, le Premier ministre François Fillon avait déjà annoncé en novembre la suppression de ces frais pour 2010. De même qu'il avait déjà fait part des mesures « annoncées » vendredi par Valérie Pécresse : l'ouverture, « d'ici la rentrée 2011 », de classes prépa réservées aux filières technologiques et la négociation d'une convention avec les grandes écoles sur l'égalité des chances les grandes écoles visant à faire évoluer les concours.Si ces mesures dénotent une réelle volonté du gouvernement de s'attaquer au dossier, l'intensité du débat est révélateur de l'étendue du problème et du malaise d'une certaine frange des filières élitistes qui n'assument pas toujours leur discours d'ouverture sociale. « Dès lors qu'il y aura 30 % de boursiers en classe prépa, mécaniquement, dans deux ou trois ans, il y aura la même proportion en moyenne dans les écoles », assure Pierre Tapie estimant que maintenir un même concours pour tous les élèves relève du principe du mérite républicain. Or des épreuves conçues par une élite bien née pour une élite bien née sont-elles égalitaires ? A cet égard, l'expérience américaine est riche d'enseignements (lire papier ci-joint). On peut même se poser la question du maintien des concours, suggère Jean-François Amadieu, sociologue à Paris I et directeur de l'Observatoire des discriminations : puisque Sciences po vante la hausse du niveau de ses étudiants depuis l'arrivée de lycéens issus de ZEP (qui ne passent pas de concours), pourquoi n'a-t-elle pas supprimé son concours ? Mais si cet obstacle saute, « tout le système est bouleversé ».Par ailleurs, « la démocratisation de l'enseignement supérieur ne se résume pas au taux de boursiers ! », relève Bertrand Monthubert, secrétaire national du PS à l'enseignement supérieur, pointant la faible proportion d'enfants d'employés et d'ouvriers. Surtout, autant que les classes prépa, sinon plus, la source d'inégalité est en amont, au lycée, au collège et dès la primaire. En somme, estime Jean-François Andrieu, les dispositifs qui consistent à accompagner des lycéens dès la seconde tels que le label Cordées de la réussite ou le programme « Une grande école : pourquoi pas moi ? » (initié par l'Essec) sont une bonne piste. Plus que ne le sont les voies parallèles qui actent les différences « plutôt que d'essayer d'y remédier dès la primaire ».Clarisse Jay
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