SFR : comment la hausse de la TVA s'est transformée en fiasco

Tout ça pour ça ? Plusieurs millions d'euros dépensés inutilement en courriers et e-mails envoyés aux abonnés et en renforcement des centres d'appels, des millions de clients déboussolés, pour rien. La grande campagne de la TVA s'est soldée par un immense fiasco, en particulier pour SFR, qui a renoncé à répercuter la hausse de la taxe sur ses clients mobiles pour ne pas les perdre ou se les mettre à dos. Orange a suivi pour ne pas être le seul « à se faire piller sa base clients par la concurrence », alors que Bouygues Telecom avait dès janvier annoncé qu'il prenait à sa charge ce surcoût. SFR, qui avait le plus largement appliqué le taux réduit de TVA dans la téléphonie mobile, s'est retrouvé en première ligne en termes de litiges avec ses clients. Plus de 600 cas déjà répertoriés auprès de l'UFC-Que Choisir. Chez la filiale de Vivendi, assaillie dans ses centres d'appels par des millions de clients, on plaide plutôt « l'erreur d'appréciation juridique » sur le droit à résilier sans frais des 5,3 millions d'abonnés touchés par la hausse de tarifs, que le cafouillage. Mauvaise imageDe la direction de la concurrence (DGCCRF) au régulateur des télécoms (Arcep), en passant par l'UFC, tous soulignent qu'il y a eu « un gros problème avec SFR ». L'opérateur, qui préfère passer à autre chose, notamment la sortie du Nexus S de Google en avant-première sur son site Internet dans dix jours, assure qu'il n'a enregistré que 20.000 résiliations en janvier et signé 30.000 nouveaux contrats. « SFR s'est rendu compte que ces litiges étaient catastrophiques en termes d'image et qu'il fallait changer de stratégie, après avoir fait de la résistance pour empêcher les résiliations », analyse Edouard Barreiro de l'UFC, qui indique qu'entre 300.000 et 500.000 personnes ont téléchargé le « kit de résiliation » créé pour l'occasion par l'association. Le principal reproche fait au numéro deux français des télécoms est d'avoir cherché à entraver les résiliations de ses clients, « pour stopper la vraie hémorragie de clients », explique un proche du dossier. Par exemple, SFR a modifié le message du serveur vocal qui transmet le code nécessaire à un client souhaitant changer d'opérateur et conserver son numéro de mobile (le « RIO » ou relevé d'identité opérateur pour obtenir la portabilité). Il invitait ses abonnés à « contacter au préalable le service client afin de valider votre éligibilité à l'exonération des frais de résiliation ». Or la réglementation interdit à tout opérateur de se servir de ce serveur automatisé pour d'autres actions notamment de fidélisation. L'Arcep n'a pas du tout apprécié et l'a fait savoir. Il s'agissait « d'éviter les bill shocks », les mauvaises surprises sur les factures, se défend SFR. En outre, il est reproché à l'opérateur d'avoir pratiqué « la facturation par défaut » des frais de rupture de contrat : « c'était à l'abonné de démontrer qu'il était éligible à la résiliation sans pénalité. On leur a dit qu'ils allaient dans le mur et crouler sous les réclamations », rapporte un haut fonctionnaire qui a suivi de près le dossier. « Posture juridique intenable, mauvaise anticipation du comportement des clients, mauvaise analyse du marché, au final défaut de management », résume sévère, ce fin connaisseur du secteur. SFR aurait « complètement minimisé l'appétence des clients à changer d'opérateur », reconnaît un analyste. Litiges en suspensLe geste de SFR ne règle pas les litiges en suspens. Il faudra rembourser les clients qui maintiennent leur demande de résiliation effectuée avant lundi, comme la DGCCRF l'a rappelé. Si la plupart des clients sont soulagés de ne pas voir leur facture augmenter, certains sont déçus de ne pas avoir profité de cette aubaine pour négocier un renouvellement de mobiles, comme de nombreux messages sur les forums ou Twitter en témoignent. Finalement, les 8 à 9 millions d'abonnés qui devaient être libérés de leur engagement sont tenus de rester chez leur opérateur. Bouygues Telecom, dénoncé comme le « responsable de cette pagaille » par un de ses concurrents, veut croire qu'il a toujours une carte à jouer puisque ses forfaits mobiles n'ont pas augmenté, même pour les nouveaux clients. Ce qui n'est pas le cas de SFR et Orange qui n'épargnent que leurs clients actuels.
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