Coordination fiscale : un véritable marché commun dès 2011 ?

Point de vueLe 25 janvier, la Commission européenne a publié la synthèse des résultats relative à la consultation publique au sujet des problèmes de double imposition dans l'Union. Même s'il ne s'agit pas d'un « échantillon représentatif » mais d'une consultation formelle, l'état des lieux est particulièrement révélateur : des centaines de réponses en provenance des États membres et qui font état de 388 cas de double imposition. Parmi ces cas, 280 viennent de sociétés dont 33 ont un chiffre d'affaires supérieur à 100 millions d'euros, et dont certaines possèdent plus de 100 entités dans toute l'Europe !Le plus grand nombre de cas de double imposition décelés concerne la France (77 cas) et l'Allemagne (55 cas) et seules 6 % des entreprises ayant répondu n'ont jamais rencontré de cas de double imposition transfrontière. On note également que plus de 20 % des cas rapportés par les entreprises avaient un enjeu de plus de 1 million d'euros et enfin que le plus grand nombre de cas de double imposition rapportés (34 %) concerne... les prix de transfert ! Rappelons que les prix de transfert désignent les transactions entre sociétés d'un même groupe situées dans deux ou plusieurs États. Il s'agit là de la question cruciale de la sécurité fiscale pour les entreprises, essentielle si l'on souhaite encourager l'investissement des grands groupes en Europe. La complexité et le manque de coordination des systèmes de taxation résultant des législations fiscales nationales dans l'UE sont donc au coeur de cette consultation sur la double imposition. On peut légitimement se demander si un tel résultat est conforme aux attentes des opérateurs économiques après 52 ans d'intégration progressive dans un marché que l'on souhaite unique depuis 1993 ! En ces temps où la convergence des fiscalités entre la France et l'Allemagne nourrit les éditoriaux, où l'hypothèse d'un Pacte de compétitivité, acte fort d'une coopération économique renouvelée entre les deux pays fondateurs, appelle à une intégration toujours plus étroite, il convient de se demander comment et pourquoi les progrès sont si lents. Et pourtant, la problématique n'est pas nouvelle. Dès 1962, le rapport Neumark, à l'origine du développement de la TVA en Europe (et indirectement dans le monde), avait anticipé tous ces problèmes. Il avait alors proposé de remanier immédiatement toutes les conventions bilatérales contre la double imposition dans le sens de l'OCDE, « à moins qu'il ne soit possible pendant la première phase de conclure déjà une convention multilatérale contre la double imposition ». Le rapport mettait d'ailleurs en exergue la nécessité d'un rapprochement des législations comme « condition préalable à la conclusion d'une convention fiscale multilatérale entre les États membres ». Ses auteurs avaient déjà estimé que la centralisation des opérations d'assiette de l'impôt représentait « la méthode qui conviendrait le plus parfaitement aux exigences d'un véritable marché commun, c'est-à-dire la détermination du montant de la matière imposable pour les impôts sur le revenu global et sur les bénéfices des sociétés dans un seul État, qui serait normalement celui du domicile fiscal ou celui où la majeure partie des activités professionnelles est exercée ».Et le rapport de conclure : « Un tel système, effectué selon les règles uniques d'assiette de la matière imposable, aurait l'avantage d'éliminer radicalement la double imposition à l'intérieur du marché commun. » Le lien est ainsi clairement établi entre les progrès vers une convention multilatérale et l'émergence d'une assiette unique consolidée avec mécanisme de répartition pour ce qui concerne la fiscalité des sociétés.C'est justement la relance de ce projet que la Commission vient d'annoncer. Ainsi, dans « l'Acte pour le marché unique » adopté fin octobre, le commissaire Michel Barnier propose-t-il cinquante domaines prioritaires parmi lesquels trois grandes initiatives fiscales, dont la proposition 19 : « La Commission prendra des initiatives pour améliorer la coordination des politiques fiscales nationales, notamment par une proposition de directive visant à établir une assiette commune consolidée de l'impôt sur les sociétés (ACCIS) en 2011. » Le point de départ d'une véritable coordination fiscale, qui bannira enfin et de façon effective la double imposition dans le marché unique de l'Union européenne ? On ne peut que le souhaiter tant il apparaît aujourd'hui absurde que cet objectif ne soit pas déjà une réalité. Nul doute que la coopération franco-allemande sera, à cet égard, déterminante.
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