Comment un cerveau humain peut-il penser le cerveau humain?? Ce qu'il y a de formidable avec la neuroéconomie, c'est qu'elle fait vraiment de la neuroéconomie ! En effet, la neuroéconomie, c'est l'idée que l'économie, c'est avant tout une affaire d'échanges de toute nature, entre bipèdes. Hors, ces bipèdes ont un cerveau et ce cerveau possède certaines caractéristiques dans le raisonnement. Il a ses habitudes notre cerveau, ses autoroutes de traitement de l'information, ses erreurs de perception, ses biais, ses préférences. Tout cela induit des comportements qui vont influencer les choix économiques. La neuroéconomie permet de définir ces biais, de les localiser dans l'activité cérébrale et de valider ou non les hypothèses des économistes sur les comportements. Décrire le cerveau, c'est donc un peu écrire l'économie, de même que décrire l'économie, c'est aussi une manière de parler du cerveau. Mais là où la neuroéconomie est vraiment passionnante, c'est qu'elle fait exactement ce que fait un cerveau?: elle connecte. Elle connecte tous ces instruments des neurosciences qui permettent à un cerveau humain de penser le cerveau humain : la psychologie, la neurobiologie, la psychanalyse, les mathématiques du signal, la philosophie, la finance... Il naît de tous ces rapprochements de nouveaux concepts, comme soudain des étincelles dans la nuit des routines neuronales. Si la neuroéconomie est un magma, c'est que nous n'avons pas de théorie complète du cerveau humain. Ce magma, il fallait tout le talent d'un historien pour en mesurer l'importance et en dégager les lignes de force. Christian Schmidt est un historien de la pensée économique. Il est tout aussi familier des aventures de la théorie des jeux que des débats les plus vifs de l'âge classique. Il a été l'éditeur de la plus prestigieuse collection d'économie politique en langue française du XXe siècle. Le travail de Christian Schmidt est de rassembler tous ces bourgeonnements et d'en proposer une histoire. Il montre la fécondité considérable de cette théorie pour penser la gouvernance des marchés, des États, des entreprises. De ce fait, il nous montre en quoi nous avons changé d'époque. Les différents modèles de la pensée économique contemporaine constituent un plateau que la neuroéconomie permettra, peut-être, de dépasser sans pour autant renier cet héritage. François-Xavier Albouy, directeur prospective de Malakoff Médéric (et président de PlaNet Guarantee). « Neuroéconomie. Comment les neurosciences transforment l'analyse économique », de Christian Schmidt. Éditions Odile Jacob (320 pages, 30 euros).

latribune.fr

08 Avr 2010, 23:19

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