Le pays est porté par une ambition collective

Veolia est présent depuis quinze ans en Chine ? Qu'avez-vous constaté sur la façon de travailler dans le pays ?Les Chinois, lorsque nous avons commencé à travailler pour eux, ont tout de suite voulu le meilleur des savoir-faire et des technologies du monde. Leur ambition était de voir leur industrie et leur urbanisation rejoindre rapidement les standards internationaux, sans passer par une phase intermédiaire. Sur place, nous avons très rapidement recherché du personnel d'encadrement chinois. Pour cela, nous avons créé et sponsorisé une chaire à l'université de Shanghai, dont nous avons embauché deux tiers des étudiants. Aujourd'hui, sur les 24.000 personnes qui travaillent dans le pays pour Veolia, on doit compter une cinquantaine de collaborateurs non chinois. Très rapidement, nos employés, avec le support du groupe, ont été acteurs dans l'innovation et l'évolution de nos savoir-faire. Un grand groupe doit-il être chinois en Chine ?Il faut être chinois en Chine, mais il faut surtout comprendre et accompagner l'ambition chinoise d'être une grande puissance, au même niveau de technique, d'expertise, de confort et de richesse que les grandes puissances occidentales. Quelle direction vous semble aujourd'hui prendre la Chine ? Nous voyons encore la Chine comme ayant l'ambition de devenir l'usine du monde, mais cette vision est déjà dépassée. Aujourd'hui, l'ambition du pays est, me semble-t-il, de devenir le laboratoire du monde, son centre de recherches. Et je crois que la Chine demandera aux entreprises occidentales qui souhaitent continuer à y travailler, non pas de mettre en oeuvre leurs savoir-faire sur place, mais de les y inventer, en partenariat avec eux. Cela pose le problème du partage de l'usage de la propriété industrielle et intellectuelle, au-delà de la protection des brevets. Comment résister aux demandes chinoises de transferts de technologie ?Le problème est complexe. Il est différent pour un industriel et pour une entreprise de services comme la nôtre. Nous avons de la technologie et des brevets. Mais dans nos métiers, qui sont à forte intensité de main-d'oeuvre, il y a aussi et peut-être surtout l'expérience dans l'utilisation de ces technologies. L'organisation du travail, les « process », la formation des hommes, la décentralisation des décisions sont cruciaux pour les utiliser de manière optimale. Cette expérience ne peut pas s'apprendre dans un livre. Il faut, je pense, une dizaine d'années avec nous pour l'acquérir. Vos employés chinois sont justement en train de s'approprier ces compétences... La première voie pour éviter de nous voir concurrencer par ceux que nous avons formés, c'est de nous attacher à les garder. Nous avons des atouts pour cela, notamment la possibilité d'offrir à nos cadres une carrière internationale, comme aux élites des pays développés. Pour les cols bleus, cela passe par des formations à des métiers qui évoluent en permanence. La deuxième voie pour éviter d'être dépassé, c'est de faire en sorte que nos métiers progressent en permanence. Percevez-vous une confiance, une fierté croissantes dans l'attitude des élites chinoises ?Je pense que c'est unanime parmi la population équivalente aux cadres. Ils ont le sentiment qu'ils vivent une époque historique, qu'ils en sont acteurs. L'enthousiasme les porte dans cette démarche collective pour amener leur pays au meilleur niveau mondial. C'est le phénomène d'ambition collective, le fait d'avoir un enjeu qui dépasse la personne de chacun et d'y contribuer. Quels enseignements tirez-vous de quinze ans de présence en Chine ? Mon sentiment est que, plus la Chine adoptera des modèles économiques et sociaux, des technologies qui ressembleront aux nôtres, plus les échanges seront nombreux, plus les risques de conflits seront contre- productifs. Je pense que les Chinois ne comprennent pas, ou mal, pourquoi nous avons peur d'eux. Leur envie de nous ressembler, d'un point de vue économique, leur apparaît comme un gage de compréhension mutuelle. Propos recueillis par Olivier Hensgen
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