Rothschild, la politique et les affaires

La banque Rothschild aurait pu disparaître au début des années 1980, à la faveur de la vague de nationalisations. Pendant un temps, ses héritiers se voient même interdire d’utiliser leur nom, leur marque de fabrique, pour reconstruire leur société familiale.De par leur présence et leur influence au sein des réseaux politiques et d’affaires, les héritiers Rothschild ont tout reconstruit, brique après brique, comptant des soutiens indéfectibles en certains hommes politiques ou dirigeants d’entreprise. Là est le cœur du dernier ouvrage de la journaliste Martine Orange, Rothschild, une banque au pouvoir (Editions Albin Michel, 20€), après qu’elle a raconté l’histoire de l’établissement concurrent dans Ces Messieurs de Lazard. Sans concessions et après un travail de fin limier, la journaliste ne fait l’impasse sur aucune anecdote, poignée de mains, défection, ententes entre amis, trahisons, ou luttes de pouvoirs intestines.Dans les secrets du Tout-ParisL’auteur écrit en préambule qu’aujourd’hui, \"la banque Rothschild est plus influente que jamais, déléguant ses meilleurs associés jusqu’à l’Elysée, tandis que David de Rothschild reçoit les grands et les petits secrets du Tout-Paris\". Mais Rothschild n’a pas toujours été \"une banque au pouvoir\". Elle en a même fait les frais : nationalisée en 1982, le Trésor public lui adresse un chèque de 500 millions de francs (76.2 millions d’euros) pour tout dédommagement... L’Etat devra ensuite investir plusieurs centaines de millions de francs pour renflouer la banque exsangue. A la nationalisation, étape douloureuse mais finalement salvatrice pour la banque, succédera une période d’intense lobbying de la part de la famille pour recouvrer l’autorisation d’utiliser son nom pour rebâtir une affaire. D’une PME au début des années 1990, David de Rothschild en fera alors une banque d’affaires incontournable.Des associés très politiques\"La politique n’est jamais très loin de la banque d’affaires\", écrit Martine Orange. Avec le soutien d’Edouard Balladur, elle prospérera entre les murs du 17, rue Matignon jusqu’en 2007, où la banque recrute des associés-gérants triés sur le volet (et qui le lui rendront bien par la suite). Parmi eux : Jean-Charles Naouri (ancien directeur de cabinet de Pierre Bérégovoy), François Pérol (ancien secrétaire général de l’Elysée, actuel président du directoire de BPCE), Gérard Worms (ancien président de Suez), Nicolas Bazire (ancien directeur de cabinet d’Edouard Balladur), Nicolas Sarkozy (ancien président de la République), Gerhard Schröder (ancien chancelier allemand), ou encore Emmanuel Macron (actuel secrétaire général adjoint de l’Elysée).\"Les amis de longue date sont en train de prospérer et confient à la banque de plus en plus de mandats\", écrit Martine Orange. Rothschild tirera en coulisses les ficelles de dossiers de taille : la privatisation de Paribas puis sa fusion avec BNP, la privatisation de Matra, la prise de contrôle du Crédit Lyonnais par le Crédit Agricole, la création d’EADS, l’acquisition d’Orange par France Telecom…Un afflux de mandats\"Avec des équipes qui ne cessent de s’étoffer, la maison laboure méticuleusement tout le tissu économique français, suit attentivement les grosses PME, connaît les familles héritières des entreprises de province\", lit-on. Rothschild se lance alors dans les opérations de capital-investissement.Puis avec l’élection de Nicolas Sarkozy en 2007, la banque connaît un afflux de mandats : \"changement de statut de la Poste, rachat de Thales par Dassault, sauvetage de Dexia – ce qui n’empêchera pas sa spectaculaire faillite quatre ans plus tard – étude pour la privatisation de France Télévisions publicité, étude pour la privatisation de la Française des Jeux\", énumère Martine Orange.La montée en puissanceUne discrétion en affaires, le refus de conseiller un groupe étranger contre les intérêts d’un groupe français, un recrutement pointilleux, des week-ends à Deauville et des heures dans les couloirs de Bercy ou de l’Elysée, seront les gages de la notoriété et de la montée en puissance de la maison.Au fil du livre, on croise aussi Georges Pompidou, Claude Bébéar, Jacques Attali, Robert Badinter, Alain Minc, Antoine Bernheim, Thierry Breton ou Martin Bouygues. Mais nous laisserons au lecteur le soin de découvrir quel a été leur rôle dans l’ascension ou les déboires de la banque...Au final, cet ouvrage se lit comme un roman à rebondissements, au cours duquel la dynastie Rothschild évolue au gré des soubresauts du capitalisme et des volte-faces politiques. Le livre se referme sur l’union, le 8 juin 2012, des branches française et anglaise du groupe Rothschild. \"Partis avec 30 millions de francs (l’équivalent de 9.3 millions en euros constants), les voilà à la tête d’un ensemble qui pèse 1.2 milliard d’euros, contrôlé pour moitié par la famille\", constate l’auteur. 
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