Il ne faisait pas bon vivre en Haïti dans les années 1960. Dans ce pays où « personne ne meurt de mort naturelle », ravagé par la dictature de François Duvalier alias Papa Doc. Cette contrée où règne la terreur et la corruption, gérée par les « tontons macoutes », cette milice paramilitaire qui fit de l'extorsion et du crime organisé son moyen de subsistance. Un lieu où il est quasiment impossible de faire sa place.La belle Nirvah Leroy, elle, n'a pas vraiment choisi la sienne. Pour sauver son mari dissident communiste kidnappé et emprisonné à Fort-Dimanche, elle devient la maîtresse d'un secrétaire d'État macoute, Raoul Vincent, tortionnaire reconnu. À force d'avantages, Nirvah y trouve peu à peu son compte, malgré les rumeurs, les jugements et l'incompréhension de ses enfants. Mais Raoul devient plus qu'un amant pour cette femme qui le hante et qu'il n'a de cesse de posséder. Il s'immisce peu à peu dans la vie de la famille Leroy, s'imposant presque comme une présence maritale et paternelle. Le bourreau laissant peu à peu la place à un être humain. En donnant la parole à chacun de ses personnages, alternant les pensées de Raoul, de Nirvah ou bien encore celles de sa fille Marie, Kettly Mars nous introduit dans l'esprit tourmenté de ces Haïtiens espérant tirer le meilleur parti d'une situation qu'ils ne contrôlent pas. Avec « Saisons sauvages », la romancière haïtienne revient sur la terrible dictature des Duvalier. L'histoire de Nirvah donne à voir un triste aperçu de cette période de terreur et d'angoisse. Où, dans ce pays « vivant de faux semblants » et de traditions vaudous, personne n'est à l'abri d'un retournement de situation dramatique. Ni les plus riches, ni les plus intelligents. Une oeuvre forte, pour se rendre compte que les horreurs de l'Histoire ne sont pas si loin derrière nous. Marine Cluet Aux éditions Mercure de France, 294 pages, 18,80 euros.

latribune.fr

10 Août 2010, 10:56

Partager :