1 Quelle nouvelle gouvernance budgétaire pour l'Europe ?

Au sortir de la crise, l'Europe se trouve pratiquement dépourvue de gouvernance économique. Dans sa version rapiécée de 2005, le Pacte de stabilité et de croissance, qui en était le seul véritable pilier, est désormais discrédité. Peut-être parce que l'on a tout fait pour ne pas appliquer les sanctions qu'il comportait ; peut-être aussi parce que son esprit et sa lettre étaient inadaptés. La reconstruction d'un cadre de coopération et de discipline commune peut emprunter trois logiques bien différentes. Soit on restaure le Pacte en rendant plus stricte et automatique l'application de ses sanctions. Soit on s'en remet à une instance supranationale chargée d'évaluer la soutenabilité et la compatibilité des politiques nationales. Soit enfin, on obtient des États membres qu'ils renforcent collectivement leur propre système de gouvernance budgétaire.Sous la pression allemande, l'Europe semble vouloir aujourd'hui privilégier la première solution, alors que c'est probablement la moins pertinente. D'abord parce qu'il n'est pas sûr que le durcissement des sanctions rendra le Pacte plus crédible et plus efficace. Lorsqu'un dispositif est trop contraignant, il peut s'avérer plus fragile ; et le fait de taxer des États qui se sont mis en difficulté peut être contre-productif. Par ailleurs, ce serait tourner le dos à la coordination des politiques nationales. Le fait d'imposer à tous et en toutes circonstances le respect d'une même contrainte est en un sens l'inverse de la coopération.Actions correctricesDe ce point de vue, la meilleure solution serait de confier à un organisme européen, indépendant des États, la mission d'apprécier l'équilibre des politiques nationales et leur cohérence (sinon leur optimalité) globale. Cette agence émettrait des avis et préconiserait des actions correctrices sans être enfermée dans des marchandages politiques. Elle pourrait tolérer ou faire émerger des situations plus satisfaisantes que celles résultant de l'application mécanique du Pacte. Mais force est de reconnaître qu'une telle solution est aujourd'hui hors d'attente car les États européens ne sont pas disposés à déléguer une partie de leur responsabilité budgétaire à un pouvoir supranational dont la légitimité serait aisément contestée.Dès lors la formule la plus réaliste consisterait à demander à chaque pays de l'Union de se doter de règles d'équilibre des finances publiques ainsi que d'institutions (des conseils indépendants) chargées d'en garantir l'application. Le caractère décentralisé d'un tel système de gouvernance le rendrait plus acceptable. Il conviendrait toutefois que les règles adoptées et les mandats confiés aux conseils soient relativement proches. Plus encore, il serait bon que ces conseils soient représentés dans une instance européenne qui aurait un rôle de surveillance collective et de concertation sur les pratiques des uns et des autres. À l'instar de ce qui devrait se mettre en place pour la régulation du système financier.La coordination des politiques budgétaires ne trouverait pas tout à fait son compte dans un tel schéma. Mais ce serait peut-être un pas dans la bonne direction. Et, en tout état de cause, ce serait une solution plus raisonnable que celle vers laquelle on semble s'orienter.Jean-Paul POLLIN Professeur à l'université d'Orléans
Commentaire 0

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

Il n'y a actuellement aucun commentaire concernant cet article.
Soyez le premier à donner votre avis !

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.